Creuser l’histoire des mots peut parfois être aussi révélateur que fouiller les ruines d’une ville ancienne. Considérons le mot français “enthousiasme”. Nous percevons aujourd’hui cela comme quelque chose de positif. Un dictionnaire le définit comme “un sentiment d’intérêt énergique dans un sujet particulier ou une activité donnée, et un empressement d’y être impliqué.” Les gens qui ont de l’enthousiasme ont de la passion, de l’entrain et de l’excitation, et cela peut être contagieux. Il s’agit d’un des cadeaux d’un grand enseignant ou d’un grand dirigeant. Les gens suivent ceux qui ont de la passion. Si vous voulez influencer les autres, cultivez l’enthousiasme.
Mais le mot n’a pas toujours eu une bonne connotation. Il faisait originellement référence à quelqu’un qui était possédé par un esprit ou un démon. Au dix-septième siècle en Angleterre, il faisait référence à des sectes protestantes extrémistes et révolutionnaires, plus précisément à des puritains qui ont combattu pendant la guerre civile. Il était devenu un synonyme d'extrémisme religieux et de fanatisme. Il était perçu comme irrationnel, versatile et dangereux.
David Hume (1711–1776), le philosophe écossais, a écrit un essai fascinant sur le sujet.[1] Il commence par noter que “la corruption des meilleures choses produit les pires choses”, et cela est particulièrement vrai pour la religion. Il dit qu’il existe deux voies par lesquelles la religion peut mal tourner : par la superstition et par l’enthousiasme. Il s’agit de deux phénomènes différents. La superstition est mue par l’ignorance et la peur. Nous pouvons parfois avoir des anxiétés irrationnelles, et nous les traitons en ayant recours à des remèdes tout aussi irrationnels. L’enthousiasme est le contraire. Il est le résultat d’une confiance en soi démesurée. Les enthousiastes, dans un état d’extase religieux élevée, croient qu’ils sont inspirés par D.ieu Lui-même, et sont donc à même de faire fi de raison et de retenue.
L’enthousiasme “se croit suffisamment qualifié pour aborder le divin sans aucun médiateur humain. ”[2] La personne sous son emprise est si envahie par ce qu’elle considère comme de l’extase religieuse, qu’elle se sent apte à outrepasser les règles régissant habituellement la conduite religieuse. “Le fanatique se consacre et confère à sa propre personne un caractère sacré, bien plus élevé que ce que les institutions cérémoniales peuvent conférer à toute autre personne.”[3] L’enthousiasme pense que les règles et les réglementations sont faites pour les gens ordinaires, et pas “pour nous”. “Nous” qui sommes inspirés par D.ieu, sommes meilleurs. Hume dit que cela peut être en effet très dangereux.
Nous avons maintenant une description précise du péché qui fit mourir les deux fils d’Aaron, Nadav et Avihou. La Torah considère de façon nette leur mort comme un fait très important car elle y fait référence pas moins de quatre fois (Lév. 10:1–2, Lév. 16:1; Nombres 3:4, Nombres 26:61). Ce fut une tragédie choquante, qui s’est produite le jour de l’inauguration du service du Michkan, un moment qui aurait dû être l’une des plus grandes célébrations de l’Histoire juive.
Les Sages eux-mêmes furent déconcertés par l’épisode. Le texte lui-même dit “Ils apportèrent devant le Seigneur un feu profane [ech zara] sans qu'Il le leur eût commandé. Et un feu s'élança de devant le Seigneur et les dévora, et ils moururent devant le Seigneur ”(Lév. 10:1–2). Les Sages ont évidemment senti qu’il devait y avoir autre chose, un autre péché ou un mauvais trait de caractère justifiant un châtiment si terrible et drastique.
En rassemblant les indices dans le texte biblique, certains ont spéculé qu’ils étaient coupables d’être entrés dans le Saint des Saints ;[4] qu’ils avaient donné un décret de leur propre gré sans consulter Moïse ou Aaron ; qu’ils s’étaient saoulés, qu’ils n’étaient pas bien habillés, qu’ils ne s’étaient pas purifiés avec l’eau de la bassine, qu’ils étaient tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils ne s’étaient pas mariés, pensant qu’aucune femme n’était assez bonne pour eux, qu’ils étaient impatients que Moïse et Aaron meurent pour qu’ils puissent devenir les dirigeants d’Israël.
Certains ont pensé que le péché pour lequel ils ont été punis ne s’est pas du tout produit ce jour-là. Il s’était produit des mois plus tôt au mont Sinaï. Le texte dit que Nadav et Avihou, ainsi que soixante-dix anciens, ont gravi la montagne et “ont vu le D.ieu d’Israël.” D.ieu “ne laissa point sévir son bras sur ces élus des enfants d'Israël et après avoir joui de la vision divine, ils mangèrent et burent” (Ex. 24:10–11). L’implication est qu’ils méritaient ce châtiment pour ne pas avoir détourné leurs yeux, ou pour avoir mangé et bu à une rencontre si sacrée. Mais D.ieu a retardé le châtiment afin de ne pas causer de tristesse le jour où Il a scellé une alliance avec le peuple.[5]
Ce sont toutes des interprétations midrachiques : vraies, valides et importantes, mais ne correspondant pas au sens simple du verset. Le texte est clair. Pour chaque occasion à laquelle leur mort est mentionnée, la Torah dit uniquement qu’ils ont offert un “feu profane”. Le péché est qu’ils ont fait quelque chose dont ils n'ont pas reçu l’ordre. Ils l’ont fait sûrement pour les meilleures intentions. Moïse a dit à Aaron immédiatement après qu’ils soient morts que c’est ce que D.ieu avait voulu dire lorsqu’Il s’exclama : “Je veux être sanctifié par ceux qui m'approchent !” (Lévitique 10:3). Un Midrach mentionne que Moïse réconfortait son frère en disant : “Ils étaient plus près de D.ieu que toi et moi.”[6] L’histoire du mot “enthousiasme” nous aide cependant à comprendre cet épisode.
Nadav et Avihou étaient enthousiastes, pas au sens contemporain du terme mais au sens dans lequel le mot était employé aux dix-septième et dix-huitième siècles. Les enthousiastes étaient des gens qui, remplis de passion religieuse, croyaient que D.ieu les inspirait à faire des actions défiant la loi et la convention. Ils étaient très saints mais aussi potentiellement très dangereux. David Hume en particulier soulignait que l’enthousiasme dans ce sens est diamétralement opposé à l’état d’esprit de la prêtrise. Pour reprendre ses termes, “tous les enthousiastes se sont libérés de la contrainte ecclésiastique et ont exprimé une grande indépendance de dévotion ; en méprisant formes, cérémonies et traditions.”
Les prêtres comprennent le pouvoir, et donc le danger potentiel du sacré. C’est la raison pour laquelle les endroits, les moments et les rituels saints doivent être régis par des lois, de la même manière qu’une centrale nucléaire doit être protégée par une isolation extrêmement prudente. Il n’y a qu’à penser aux accidents qui se sont produits lorsque cela a échoué : Tchernobyl par exemple, ou Fukushima au Japon en 2011. Les résultats peuvent être dévastateurs et durables.
Amener un feu profane au Tabernacle peut être vu comme une petite offense, mais un seul acte non autorisé dans le domaine du sacré engendre une brèche des lois entourant le sacré qui peuvent, avec le temps, devenir un trou béant. L’enthousiasme, aussi inoffensif qu’il puisse être, peut parfois rapidement se muer en extrémisme, en fanatisme et en violence motivée par la religion. C’est ce qui s’est produit en Europe durant les guerres de religion aux seizième et dix-septième siècles, et cela se produit dans certaines religions aujourd’hui. Ainsi que David Hume l’a observé : “La raison humaine et même la moralité sont rejetées (par les enthousiastes) comme des guides fallacieux, et l’homme fanatique se livre aveuglément” à ce qu’il croit être de l’inspiration divine, mais ce qui peut être en fait de l’insuffisance explosive ou de la rage fanatique.
Nous comprenons maintenant en détail que le cerveau humain comporte deux systèmes différents, ce que Daniel Kahneman qualifie de “penser rapidement et lentement”. Le cerveau rapide, le système limbique, est responsable des émotions, en particulier la peur. Le cerveau lent, le cortex préfrontal, est rationnel, capable de raisonner et de réfléchir aux conséquences à long terme de plans d’actions alternatifs. Ce n’est pas un hasard si nous possédons deux systèmes. Sans des réponses instinctives mues par le danger, nous ne survivrions pas. Mais sans un cerveau lent et capable de produire un raisonnement, nous nous retrouvions constamment en train de nous engager dans des comportements destructeurs et autodestructeurs. Le bonheur individuel et la survie de la civilisation dépendent de la recherche d’un équilibre délicat entre les deux.
Précisément parce qu’elle engendre des passions si intenses, la vie religieuse en particulier requiert les contraintes de la loi et du rituel, le menuet délicat du culte, afin que le feu de la religion soit contenu, donnant de la lumière et une lueur de la gloire divine. Sinon, elle peut devenir un brasier déchaîné, répandant la destruction et causant des victimes. Après plusieurs siècles en Occident, nous avons domestiqué l’enthousiasme à un niveau où nous pouvons le percevoir en tant que force positive. Nous ne devrions jamais oublier cependant que ce ne fut pas toujours le cas. C’est la raison pour laquelle le judaïsme comporte autant de lois et une attention si approfondie au détail ; et plus on se rapproche de D.ieu, plus on en a besoin.
[1] David Hume, “Of Superstition and Enthusiasm,” in Essays Moral, Political, and Literary (1742–1754).
[4] Cela est basé sur la phrase du Lévitique 16:1, selon laquelle les deux fils d’Aaron sont morts lorsqu’ “ils s’étaient avancés devant l’Éternel”, sous-entendant qu’ils s’étaient trop rapprochés, qu’ils avaient pénétré dans le Saint des Saints.
[5] Les soixante-dix anciens furent punis plus tard. Voir Rachi sur l’Exode 24:10.
Chemini raconte l’histoire tragique de la manière dont la grande inauguration du Tabernacle, à propos duquel les Sages disent que D.ieu s’est réjoui autant que…
Les dangers de l’enthousiasme
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Creuser l’histoire des mots peut parfois être aussi révélateur que fouiller les ruines d’une ville ancienne. Considérons le mot français “enthousiasme”. Nous percevons aujourd’hui cela comme quelque chose de positif. Un dictionnaire le définit comme “un sentiment d’intérêt énergique dans un sujet particulier ou une activité donnée, et un empressement d’y être impliqué.” Les gens qui ont de l’enthousiasme ont de la passion, de l’entrain et de l’excitation, et cela peut être contagieux. Il s’agit d’un des cadeaux d’un grand enseignant ou d’un grand dirigeant. Les gens suivent ceux qui ont de la passion. Si vous voulez influencer les autres, cultivez l’enthousiasme.
Mais le mot n’a pas toujours eu une bonne connotation. Il faisait originellement référence à quelqu’un qui était possédé par un esprit ou un démon. Au dix-septième siècle en Angleterre, il faisait référence à des sectes protestantes extrémistes et révolutionnaires, plus précisément à des puritains qui ont combattu pendant la guerre civile. Il était devenu un synonyme d'extrémisme religieux et de fanatisme. Il était perçu comme irrationnel, versatile et dangereux.
David Hume (1711–1776), le philosophe écossais, a écrit un essai fascinant sur le sujet.[1] Il commence par noter que “la corruption des meilleures choses produit les pires choses”, et cela est particulièrement vrai pour la religion. Il dit qu’il existe deux voies par lesquelles la religion peut mal tourner : par la superstition et par l’enthousiasme. Il s’agit de deux phénomènes différents. La superstition est mue par l’ignorance et la peur. Nous pouvons parfois avoir des anxiétés irrationnelles, et nous les traitons en ayant recours à des remèdes tout aussi irrationnels. L’enthousiasme est le contraire. Il est le résultat d’une confiance en soi démesurée. Les enthousiastes, dans un état d’extase religieux élevée, croient qu’ils sont inspirés par D.ieu Lui-même, et sont donc à même de faire fi de raison et de retenue.
L’enthousiasme “se croit suffisamment qualifié pour aborder le divin sans aucun médiateur humain. ”[2] La personne sous son emprise est si envahie par ce qu’elle considère comme de l’extase religieuse, qu’elle se sent apte à outrepasser les règles régissant habituellement la conduite religieuse. “Le fanatique se consacre et confère à sa propre personne un caractère sacré, bien plus élevé que ce que les institutions cérémoniales peuvent conférer à toute autre personne.”[3] L’enthousiasme pense que les règles et les réglementations sont faites pour les gens ordinaires, et pas “pour nous”. “Nous” qui sommes inspirés par D.ieu, sommes meilleurs. Hume dit que cela peut être en effet très dangereux.
Nous avons maintenant une description précise du péché qui fit mourir les deux fils d’Aaron, Nadav et Avihou. La Torah considère de façon nette leur mort comme un fait très important car elle y fait référence pas moins de quatre fois (Lév. 10:1–2, Lév. 16:1; Nombres 3:4, Nombres 26:61). Ce fut une tragédie choquante, qui s’est produite le jour de l’inauguration du service du Michkan, un moment qui aurait dû être l’une des plus grandes célébrations de l’Histoire juive.
Les Sages eux-mêmes furent déconcertés par l’épisode. Le texte lui-même dit “Ils apportèrent devant le Seigneur un feu profane [ech zara] sans qu'Il le leur eût commandé. Et un feu s'élança de devant le Seigneur et les dévora, et ils moururent devant le Seigneur ”(Lév. 10:1–2). Les Sages ont évidemment senti qu’il devait y avoir autre chose, un autre péché ou un mauvais trait de caractère justifiant un châtiment si terrible et drastique.
En rassemblant les indices dans le texte biblique, certains ont spéculé qu’ils étaient coupables d’être entrés dans le Saint des Saints ;[4] qu’ils avaient donné un décret de leur propre gré sans consulter Moïse ou Aaron ; qu’ils s’étaient saoulés, qu’ils n’étaient pas bien habillés, qu’ils ne s’étaient pas purifiés avec l’eau de la bassine, qu’ils étaient tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils ne s’étaient pas mariés, pensant qu’aucune femme n’était assez bonne pour eux, qu’ils étaient impatients que Moïse et Aaron meurent pour qu’ils puissent devenir les dirigeants d’Israël.
Certains ont pensé que le péché pour lequel ils ont été punis ne s’est pas du tout produit ce jour-là. Il s’était produit des mois plus tôt au mont Sinaï. Le texte dit que Nadav et Avihou, ainsi que soixante-dix anciens, ont gravi la montagne et “ont vu le D.ieu d’Israël.” D.ieu “ne laissa point sévir son bras sur ces élus des enfants d'Israël et après avoir joui de la vision divine, ils mangèrent et burent” (Ex. 24:10–11). L’implication est qu’ils méritaient ce châtiment pour ne pas avoir détourné leurs yeux, ou pour avoir mangé et bu à une rencontre si sacrée. Mais D.ieu a retardé le châtiment afin de ne pas causer de tristesse le jour où Il a scellé une alliance avec le peuple.[5]
Ce sont toutes des interprétations midrachiques : vraies, valides et importantes, mais ne correspondant pas au sens simple du verset. Le texte est clair. Pour chaque occasion à laquelle leur mort est mentionnée, la Torah dit uniquement qu’ils ont offert un “feu profane”. Le péché est qu’ils ont fait quelque chose dont ils n'ont pas reçu l’ordre. Ils l’ont fait sûrement pour les meilleures intentions. Moïse a dit à Aaron immédiatement après qu’ils soient morts que c’est ce que D.ieu avait voulu dire lorsqu’Il s’exclama : “Je veux être sanctifié par ceux qui m'approchent !” (Lévitique 10:3). Un Midrach mentionne que Moïse réconfortait son frère en disant : “Ils étaient plus près de D.ieu que toi et moi.”[6] L’histoire du mot “enthousiasme” nous aide cependant à comprendre cet épisode.
Nadav et Avihou étaient enthousiastes, pas au sens contemporain du terme mais au sens dans lequel le mot était employé aux dix-septième et dix-huitième siècles. Les enthousiastes étaient des gens qui, remplis de passion religieuse, croyaient que D.ieu les inspirait à faire des actions défiant la loi et la convention. Ils étaient très saints mais aussi potentiellement très dangereux. David Hume en particulier soulignait que l’enthousiasme dans ce sens est diamétralement opposé à l’état d’esprit de la prêtrise. Pour reprendre ses termes, “tous les enthousiastes se sont libérés de la contrainte ecclésiastique et ont exprimé une grande indépendance de dévotion ; en méprisant formes, cérémonies et traditions.”
Les prêtres comprennent le pouvoir, et donc le danger potentiel du sacré. C’est la raison pour laquelle les endroits, les moments et les rituels saints doivent être régis par des lois, de la même manière qu’une centrale nucléaire doit être protégée par une isolation extrêmement prudente. Il n’y a qu’à penser aux accidents qui se sont produits lorsque cela a échoué : Tchernobyl par exemple, ou Fukushima au Japon en 2011. Les résultats peuvent être dévastateurs et durables.
Amener un feu profane au Tabernacle peut être vu comme une petite offense, mais un seul acte non autorisé dans le domaine du sacré engendre une brèche des lois entourant le sacré qui peuvent, avec le temps, devenir un trou béant. L’enthousiasme, aussi inoffensif qu’il puisse être, peut parfois rapidement se muer en extrémisme, en fanatisme et en violence motivée par la religion. C’est ce qui s’est produit en Europe durant les guerres de religion aux seizième et dix-septième siècles, et cela se produit dans certaines religions aujourd’hui. Ainsi que David Hume l’a observé : “La raison humaine et même la moralité sont rejetées (par les enthousiastes) comme des guides fallacieux, et l’homme fanatique se livre aveuglément” à ce qu’il croit être de l’inspiration divine, mais ce qui peut être en fait de l’insuffisance explosive ou de la rage fanatique.
Nous comprenons maintenant en détail que le cerveau humain comporte deux systèmes différents, ce que Daniel Kahneman qualifie de “penser rapidement et lentement”. Le cerveau rapide, le système limbique, est responsable des émotions, en particulier la peur. Le cerveau lent, le cortex préfrontal, est rationnel, capable de raisonner et de réfléchir aux conséquences à long terme de plans d’actions alternatifs. Ce n’est pas un hasard si nous possédons deux systèmes. Sans des réponses instinctives mues par le danger, nous ne survivrions pas. Mais sans un cerveau lent et capable de produire un raisonnement, nous nous retrouvions constamment en train de nous engager dans des comportements destructeurs et autodestructeurs. Le bonheur individuel et la survie de la civilisation dépendent de la recherche d’un équilibre délicat entre les deux.
Précisément parce qu’elle engendre des passions si intenses, la vie religieuse en particulier requiert les contraintes de la loi et du rituel, le menuet délicat du culte, afin que le feu de la religion soit contenu, donnant de la lumière et une lueur de la gloire divine. Sinon, elle peut devenir un brasier déchaîné, répandant la destruction et causant des victimes. Après plusieurs siècles en Occident, nous avons domestiqué l’enthousiasme à un niveau où nous pouvons le percevoir en tant que force positive. Nous ne devrions jamais oublier cependant que ce ne fut pas toujours le cas. C’est la raison pour laquelle le judaïsme comporte autant de lois et une attention si approfondie au détail ; et plus on se rapproche de D.ieu, plus on en a besoin.
[1] David Hume, “Of Superstition and Enthusiasm,” in Essays Moral, Political, and Literary (1742–1754).
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] Cela est basé sur la phrase du Lévitique 16:1, selon laquelle les deux fils d’Aaron sont morts lorsqu’ “ils s’étaient avancés devant l’Éternel”, sous-entendant qu’ils s’étaient trop rapprochés, qu’ils avaient pénétré dans le Saint des Saints.
[5] Les soixante-dix anciens furent punis plus tard. Voir Rachi sur l’Exode 24:10.
[6] Midrach Aggada (Buber) ad loc.
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