Un conseil juif

Published 31 December 2011
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Published in The Times, 31st December 2011

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Voici un ancien conte juif : Mendel rencontre David. Il lui dit : “Dis-moi, mon ami, comment ça va ? Je n’ai pas beaucoup de temps, alors réponds-moi en un mot.” David répond : “En un mot ? Bien.” Mendel s’exclame : “Mais donne-moi un peu plus de détails. En deux mots, comment ça va ? David répond : “En deux mots ? Pas bien.”

C’était en 2011. Cela est peut-être vrai en 2012. En tant que nation, nous sommes plus riches et en meilleure santé, mais les perspectives économiques sont incertaines et beaucoup de gens sont troublés, tourmentés.

Quel serait un bon conseil juif pour l’année à venir ? D’abord, remerciez D.ieu. Les juifs appellent cela Baroukh Hachem, Béni Soit D.ieu. Dans les shtetls, où les juifs étaient pauvres et persécutés mais profondément religieux, si vous leur demandiez : “Comment vont les affaires ?” La réponse reviendrait: “Baroukh Hachem.” Comment va la famille ? “Baroukh Hachem.” Et la santé ? “Baroukh Hachem.”

Vous êtes peut-être malade, vos enfants sont peut-être rebelles, vos affaires vont très mal, mais vous remerciez D.ieu. Les juifs savaient comment se réjouir lorsqu’ils traversaient des difficultés. Ils riaient, célébraient, ils avaient ce cadeau qu’est la sim’ha, le mot juif pour la joie.

Deuxièmement, aimez vos proches. Aimez votre épouse ou votre époux et vous aurez un mariage heureux. Aimez vos enfants et vous aurez une famille heureuse. Aimez votre travail et vous aurez une carrière heureuse. Aimez la vie et vous serez bénis. “Si seulement…” est le contraire de l’amour. Si seulement j’étais plus joli, si mes enfants plus reconnaissants, si mes collègues étaient plus sympathiques, si seulement je gagnais plus d’argent, si je faisais plus. “Si seulement” vient au détriment du bonheur. Il se concentre sur ce que nous n’avons pas plutôt que sur ce que nous avons. La société de consommation nous incite à vivre une existence de “si seulement”. Il s’agit du pire investissement que nous puissions faire dans la vie.

La vraie foi repose sur l’amour. Aimez D.ieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de toute votre richesse. Aimez votre prochain comme vous-même. Aimez l’étranger, vous aussi êtes l’étranger de quelqu’un. Vous n’avez pas besoin d’être religieux pour aimer. L’amour est l’espace que l’on crée pour celui qui n’est pas comme nous. En nous ouvrant à quelque chose qui nous dépasse, nous grandissons.

Troisièmement, priez. La prière est notre dialogue avec l’Éternel. C’est une discipline difficile, c’est pour cela que nous avons des livres de prière. Le plus beau recueil de prières est le livre des Psaumes. Il englobe tout le spectre de sentiments, depuis le désespoir jusqu’à l’allégresse. La prière est à l’âme ce que l’exercice est au corps, et sans elle, nous perdons notre dynamisme émotionnel.

Certaines personnes ne prient pas car elles essayent et ça ne fonctionne pas. Elles oublient que la prière fonctionne davantage en collectivité, dans un lieu saint, en chanson, le langage de l’âme, puisqu’elle permet d’atteindre des sphères que la parole ne peut atteindre. Les prières les plus transformatrices sont des chorales, pas des solos. Iris Murdoch a une très belle analogie pour expliquer ce que la prière peut accomplir. Elle se décrit regardant par la fenêtre en état d’anxiété et de ressentiment, ne se rendant pas compte de son entourage, broyant du noir, ayant pitié pour elle-même. Puis soudainement, elle voit un faucon crécerelle planer dans les airs. “En un instant”, dit-elle, “Tout change. Moi qui broie du noir, tout disparait. Cet oiseau est la seule chose qui importe. Et puis, quand je me mets à penser à autre chose, tout semble avoir moins d’importance.” Elle désigne ce phénomène par “déconnexion” , et c’est ce que la prière parvient le mieux à réaliser. Elle ouvre nos yeux aux merveilles du monde. Trois conseils : plus le mois prochain. Mais le principe est simple. Quand les affaires vont mal, investissez dans le spirituel. Si l’économie arrête sa croissance, votre bonheur peut toujours grandir.