Le moment est venu. Moïse était sur le point de trépasser. Il avait vu sa sœur Myriam et son frère Aaron mourir avant lui. Il avait prié D.ieu, non pas de vivre éternellement, même pas de vivre plus longtemps, mais simplement “Laisse-moi traverser, que je voie cet heureux pays qui est au-delà du Jourdain” (Deut. 3:25). Laisse-moi finaliser le voyage. Laisse-moi atteindre la destination. Mais D.ieu répondit par la négative :
“Assez ! Ne me parle pas davantage à ce sujet.”
Deut. 3:26
D.ieu, qui avait accepté presque chaque prière de Moïse, lui refusa celle-ci.[1]
Qu’a donc fait Moïse lors de ses derniers jours de vie ? Il donna deux instructions, le dernier des 613 commandements, qui devait avoir des conséquences importantes sur l’avenir du judaïsme et du peuple juif. La première est connue sous le nom de Hakhel, le commandement selon lequel le roi doit convoquer le peuple à se réunir durant Souccot suivant la septième année, celle de la Chemita :
“A la fin de chaque septième année, à l'époque de l'année de relâche, lors de la fête des tentes, alors que tout Israël vient comparaître devant l'Éternel, ton D.ieu, dans l'endroit qu'il aura élu, tu feras lecture de cette doctrine en présence de tout Israël, qui écoutera attentivement. Convoques-y le peuple entier, hommes, femmes et enfants, ainsi que l'étranger qui est dans tes murs, afin qu'ils entendent et s'instruisent, et révèrent l'Éternel, votre D.ieu, et s'appliquent à pratiquer toutes les paroles de cette doctrine ; et que leurs enfants, qui ne savent pas encore, entendent aussi, et qu'ils apprennent à révérer l'Éternel, votre D.ieu, tant que vous vivrez sur le sol pour la possession duquel vous allez passer le Jourdain.”
Deut. 31:10-13
Il n’y a pas de référence spécifique à ce commandement dans les autres livres du Tanakh, mais il y a des récits de rassemblements très similaires : les cérémonies de renouvellements d’alliance, dans lesquelles le roi ou son équivalent rassemblait la nation, en lisant de la Torah ou en rappelant au peuple son histoire, et en l’incitant à réaffirmer les termes de sa destinée en tant que peuple ayant une alliance avec D.ieu.
C’est en effet ce que Moïse avait fait pendant le dernier mois de sa vie. Le livre du Deutéronome dans son ensemble est une réitération de l’alliance, presque quarante ans et une génération après l’alliance originelle au mont Sinaï. Il y a un autre exemple dans le dernier chapitre du livre de Josué (voir chapitre 24 du livre de Josué), une fois que Josué avait accompli son mandat en tant que successeur de Moïse, ayant amené le peuple au-delà du Jourdain, les menant à leurs combats et les installant sur la terre.
Un autre s’est produit bien des siècles plus tard, lors du règne du Roi Josias. Son grand-père, Menassé, qui régna pendant quarante-cinq ans, fut l’un des pires rois de Judée, introduisant des formes variées d’idolâtrie, incluant le sacrifice d’enfants. Josias cherchait à ramener la nation à sa foi, ordonnant entre autres le nettoyage et la remise au service du Temple. Ce fut au cours de cette restauration qu’une copie de la Torah fut découverte,[2] scellée dans un endroit caché, pour éviter qu’elle ne soit détruite pendant les nombreuses décennies au cours desquelles l’idolâtrie fut florissante et la Torah presque oubliée. Le roi, profondément ébranlé par cette découverte, organisa une assemblée nationale semblable au Hakhel :
“Sur l'ordre du roi, l'on convoqua auprès de lui tous les anciens de Juda et de Jérusalem. Le roi monta au temple du Seigneur, accompagné de tous les Judéens et de tous les habitants de Jérusalem, prêtres, prophètes et tout le peuple, petits et grands, et il leur donna lecture de toutes les paroles du livre de l'alliance, trouvé dans le temple du Seigneur. Le roi se plaça sur l'estrade, et s'engagea par un pacte, devant l'Eternel, à marcher dans Ses voies, à observer Ses commandements, Ses lois et Ses statuts, de tout cœur et de toute âme, afin d'accomplir les paroles de cette alliance, inscrites dans ce livre. Tout le peuple adhéra au pacte.”
II Rois 23:1-3
La cérémonie la plus célèbre similaire au Hakel fut le rassemblement national organisé par Ezra et Néhémie après la seconde vague des rapatriés de Babylonie (Néhémie 8-10). Debout sur une estrade près d’une des portes du Temple, Ezra lisait la Torah à l’assemblée, ayant placé les Lévi’im à travers la foule pour qu’ils puissent expliquer au peuple ce qui se disait. La cérémonie qui commençait à Roch Hachana, atteignait son point culminant après Souccot lorsque tous “s'engagèrent par un serment solennel à suivre la loi de D.ieu, qui avait été donnée par l'organe de Moïse, serviteur de D.ieu, à observer et à pratiquer tous les commandements de l'Eternel, notre Seigneur, ses statuts et ses ordonnances” (Néhémie 10:30).
L’autre commandement, le dernier que Moïse donna au peuple, fut compris dans les paroles : “Maintenant écrit cette chanson et enseigne-là aux israélites,” interprétées par la tradition rabbinique comme le commandement d’écrire, ou au moins de participer à l’écriture d’un Sefer Torah. Pourquoi ces deux commandements en particulier et à ce moment-là ?
Quelque chose de profond était en train de se jouer ici. Rappelez-vous que D.ieu avait semblé brusque dans Son refus d’accorder à Moïse de traverser le Jourdain. “Assez ! Ne me parle pas davantage à ce sujet.” Est-ce la Torah et est-ce sa récompense ? Est-ce comme cela que D.ieu a récompensé le plus grand des prophètes ? Sûrement pas.
Dans ces deux derniers commandements, D.ieu enseignait à Moïse, et à travers lui, les juifs à travers les âges, ce qu’est l’immortalité sur la terre, pas seulement dans le ciel. Nous sommes mortels car nous sommes physiques, et aucun organisme physique ne vit éternellement. Nous grandissons, nous vieillissons, nous nous affaiblissons, nous mourrons. Mais nous ne sommes pas uniquement physiques. Nous sommes également spirituels. Dans les deux derniers commandements, on nous enseigne la signification de faire partie d’un esprit qui n’est pas mort depuis quatre mille ans, et qui ne mourra pas tant qu’il y aura un soleil, une lune et des étoiles.[3]
D.ieu montra à Moïse, et nous à travers lui, comment faire partie d’une civilisation qui ne vieillit jamais. Elle reste jeune car elle se renouvelle constamment. Les deux derniers commandements de la Torah portent sur le renouvellement : d’abord collectif, puis individuel.
Hakhel, la cérémonie du renouvellement de l’alliance tous les sept ans, garantissait une nouvelle consécration de la nation à sa mission. J’ai souvent affirmé qu’il n’y a qu’un endroit au monde où cette cérémonie de renouvellement de l’alliance a toujours lieu : aux États-Unis d’Amérique.
Le concept de l’alliance a joué un rôle décisif dans les politiques européennes aux seizième et dix-septième siècles, en particulier dans la Genève de Calvin, ainsi qu’en Écosse, en Hollande, et en Angleterre. Son impact le plus durable fut cependant en Amérique, où elle fut appropriée par les premiers colons puritains et fait toujours partie de la culture politique même aujourd’hui. Pratiquement chaque discours présidentiel inaugural, tous les quatre ans depuis 1789, a été, explicitement ou implicitement, une cérémonie de renouvellement de l’alliance, une forme contemporaine du Hakhel.
En 1987, donnant un discours lors de la célébration du bicentenaire de la Constitution américaine, le président Ronald Reagan décrivit la constitution comme une sorte “d’alliance que nous avons faite non seulement avec nous-mêmes mais avec toute l’humanité… c’est une alliance humaine, oui, et au-delà, une alliance avec l’être suprême auquel nos pères fondateurs faisait constamment appel pour les aider.” Le devoir de l’Amérique, dit-il, est de “constamment renouveler son alliance avec l’humanité… d’achever le travail commencé il y a 200 ans, cette grande et noble mission que représente l’appel particulier de l’Amérique, le triomphe de la liberté humaine, le triomphe de la liberté humaine sous D.ieu.[4]
Si le Hakhel est le renouvellement national, le commandement qui nous enjoint de participer à l’écriture d’un nouveau Séfer Torah est un renouvellement personnel. Ce fut la manière de Moïse de signifier à toutes les générations à venir : il ne faut pas se suffire de dire que j’ai reçu la Torah de mes parents (ou de mes grands-parents, de mes arrières-grands-parents). Vous devez la prendre et la renouveler à chaque génération.
L’une des caractéristiques les plus frappantes de la vie juive est que d’Israël à Palo Alto, les juifs font partie des utilisateurs les plus enthousiastes des technologies de l’information et ont contribué de manière disproportionnée à son développement (Google, Facebook, Waze). Mais nous écrivons toujours la Torah exactement de la même manière qu’il y a des milliers d’années, à la main, avec une plume, sur un rouleau de parchemin. Ce n’est pas un paradoxe, c’est une vérité profonde. Les gens qui portent leur passé avec eux peuvent construire leur avenir sans crainte.
Le renouvellement est l’une des entreprises humaines les plus difficiles. Il y a quelques années, je me suis assis avec l’homme qui s’apprêtait à devenir le premier ministre d’Angleterre. Au courant de la conversation, il dit “Ce pour quoi je prie le plus, c’est que lorsque nous y serons (il parlait du 10 Downing Street, la résidence officielle et le lieu de travail du premier ministre), je n’oublie jamais pourquoi je souhaitais y arriver.” J’imagine qu’il avait en tête les fameuses paroles de Harold Macmillan, le premier ministre britannique entre 1957 et 1963 qui, lorsqu’on lui demanda ce qu’il craignait le plus de la politique, il répondit, “les événements, mon cher garçon, les événements.”
Des choses se passent. Nous sommes soufflés par le vent qui passe, pris dans des problèmes qui ne dépendent pas de nous, et nous tombons. Lorsque cela se produit, que ce soit à des individus, à des institutions ou à des nations, nous vieillissons. Nous oublions qui nous sommes et pourquoi. Nous sommes en fin de compte envahis par les gens (ou les organisations ou les cultures) qui sont plus jeunes, plus affamés ou plus ambitieux que nous.
La seule manière de rester jeune, “d’avoir faim” et d’être ambitieux, c’est le renouvellement périodique, en se rappelant d'où nous venons, où nous allons et pourquoi. À quels idéaux sommes-nous attachés ? Quel périple sommes-nous appelés à poursuivre ? Ou à quelle histoire appartenons-nous ?
Quel moment précisément choisi, et quelle beauté, qu’au moment même où le plus grand des prophètes voit sa propre mort, D.ieu lui donne, et nous avec, le secret de l’immortalité, pas uniquement dans le ciel, mais aussi ici-bas sur terre. Lorsque nous préservons les termes de l’alliance, et en la renouvelant dans notre vie, nous vivons avec ceux qui nous succèdent, que ce soit à travers nos enfants, nos disciples ou ceux que nous avons aidés ou influencés. Nous “renouvelons pour nous les jours d'autrefois” (Lamentations 5:21). Moïse est mort, mais ce qu’il a enseigné et ce qu’il a recherché a perduré.
[1] Il y a une leçon importante ici : ce sont les prières que nous faisons pour les autres, et quand les autres prient pour nous, qui sont accordées ; pas uniquement celles que nous faisons pour nous-mêmes. C’est la raison pour laquelle, lorsque nous prions pour la guérison des malades ou le réconfort des endeuillés, nous le faisons spécifiquement “chez les autres” qui sont malades ou endeuillés. Tel que Juda Halevi l’a souligné dans le Kuzari, les intérêts des individus peuvent entrer en conflit les uns avec les autres, c’est la raison pour laquelle nous prions en communauté, cherchant le bien commun.
[2] C’est la lecture de l’événement par le Radak et le Ralbag. Abarbanel a du mal à croire qu’il n’y avait pas d’autres copies de la Torah préservées même durant les périodes idolâtres de l’histoire de la nation, et suggère que ce qui a été découvert, scellé dans le Temple, fut la propre Torah de Moïse, écrite de sa propre main.
Vayelekh La longue et tempétueuse carrière de Moïse touche à sa fin. Avec des paroles de bénédictions et d’encouragements, il transmet le flambeau du leadership…
Renouveler notre vie
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Nitzavim, Vayelech
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Le moment est venu. Moïse était sur le point de trépasser. Il avait vu sa sœur Myriam et son frère Aaron mourir avant lui. Il avait prié D.ieu, non pas de vivre éternellement, même pas de vivre plus longtemps, mais simplement “Laisse-moi traverser, que je voie cet heureux pays qui est au-delà du Jourdain” (Deut. 3:25). Laisse-moi finaliser le voyage. Laisse-moi atteindre la destination. Mais D.ieu répondit par la négative :
D.ieu, qui avait accepté presque chaque prière de Moïse, lui refusa celle-ci.[1]
Qu’a donc fait Moïse lors de ses derniers jours de vie ? Il donna deux instructions, le dernier des 613 commandements, qui devait avoir des conséquences importantes sur l’avenir du judaïsme et du peuple juif. La première est connue sous le nom de Hakhel, le commandement selon lequel le roi doit convoquer le peuple à se réunir durant Souccot suivant la septième année, celle de la Chemita :
Il n’y a pas de référence spécifique à ce commandement dans les autres livres du Tanakh, mais il y a des récits de rassemblements très similaires : les cérémonies de renouvellements d’alliance, dans lesquelles le roi ou son équivalent rassemblait la nation, en lisant de la Torah ou en rappelant au peuple son histoire, et en l’incitant à réaffirmer les termes de sa destinée en tant que peuple ayant une alliance avec D.ieu.
C’est en effet ce que Moïse avait fait pendant le dernier mois de sa vie. Le livre du Deutéronome dans son ensemble est une réitération de l’alliance, presque quarante ans et une génération après l’alliance originelle au mont Sinaï. Il y a un autre exemple dans le dernier chapitre du livre de Josué (voir chapitre 24 du livre de Josué), une fois que Josué avait accompli son mandat en tant que successeur de Moïse, ayant amené le peuple au-delà du Jourdain, les menant à leurs combats et les installant sur la terre.
Un autre s’est produit bien des siècles plus tard, lors du règne du Roi Josias. Son grand-père, Menassé, qui régna pendant quarante-cinq ans, fut l’un des pires rois de Judée, introduisant des formes variées d’idolâtrie, incluant le sacrifice d’enfants. Josias cherchait à ramener la nation à sa foi, ordonnant entre autres le nettoyage et la remise au service du Temple. Ce fut au cours de cette restauration qu’une copie de la Torah fut découverte,[2] scellée dans un endroit caché, pour éviter qu’elle ne soit détruite pendant les nombreuses décennies au cours desquelles l’idolâtrie fut florissante et la Torah presque oubliée. Le roi, profondément ébranlé par cette découverte, organisa une assemblée nationale semblable au Hakhel :
La cérémonie la plus célèbre similaire au Hakel fut le rassemblement national organisé par Ezra et Néhémie après la seconde vague des rapatriés de Babylonie (Néhémie 8-10). Debout sur une estrade près d’une des portes du Temple, Ezra lisait la Torah à l’assemblée, ayant placé les Lévi’im à travers la foule pour qu’ils puissent expliquer au peuple ce qui se disait. La cérémonie qui commençait à Roch Hachana, atteignait son point culminant après Souccot lorsque tous “s'engagèrent par un serment solennel à suivre la loi de D.ieu, qui avait été donnée par l'organe de Moïse, serviteur de D.ieu, à observer et à pratiquer tous les commandements de l'Eternel, notre Seigneur, ses statuts et ses ordonnances” (Néhémie 10:30).
L’autre commandement, le dernier que Moïse donna au peuple, fut compris dans les paroles : “Maintenant écrit cette chanson et enseigne-là aux israélites,” interprétées par la tradition rabbinique comme le commandement d’écrire, ou au moins de participer à l’écriture d’un Sefer Torah. Pourquoi ces deux commandements en particulier et à ce moment-là ?
Quelque chose de profond était en train de se jouer ici. Rappelez-vous que D.ieu avait semblé brusque dans Son refus d’accorder à Moïse de traverser le Jourdain. “Assez ! Ne me parle pas davantage à ce sujet.” Est-ce la Torah et est-ce sa récompense ? Est-ce comme cela que D.ieu a récompensé le plus grand des prophètes ? Sûrement pas.
Dans ces deux derniers commandements, D.ieu enseignait à Moïse, et à travers lui, les juifs à travers les âges, ce qu’est l’immortalité sur la terre, pas seulement dans le ciel. Nous sommes mortels car nous sommes physiques, et aucun organisme physique ne vit éternellement. Nous grandissons, nous vieillissons, nous nous affaiblissons, nous mourrons. Mais nous ne sommes pas uniquement physiques. Nous sommes également spirituels. Dans les deux derniers commandements, on nous enseigne la signification de faire partie d’un esprit qui n’est pas mort depuis quatre mille ans, et qui ne mourra pas tant qu’il y aura un soleil, une lune et des étoiles.[3]
D.ieu montra à Moïse, et nous à travers lui, comment faire partie d’une civilisation qui ne vieillit jamais. Elle reste jeune car elle se renouvelle constamment. Les deux derniers commandements de la Torah portent sur le renouvellement : d’abord collectif, puis individuel.
Hakhel, la cérémonie du renouvellement de l’alliance tous les sept ans, garantissait une nouvelle consécration de la nation à sa mission. J’ai souvent affirmé qu’il n’y a qu’un endroit au monde où cette cérémonie de renouvellement de l’alliance a toujours lieu : aux États-Unis d’Amérique.
Le concept de l’alliance a joué un rôle décisif dans les politiques européennes aux seizième et dix-septième siècles, en particulier dans la Genève de Calvin, ainsi qu’en Écosse, en Hollande, et en Angleterre. Son impact le plus durable fut cependant en Amérique, où elle fut appropriée par les premiers colons puritains et fait toujours partie de la culture politique même aujourd’hui. Pratiquement chaque discours présidentiel inaugural, tous les quatre ans depuis 1789, a été, explicitement ou implicitement, une cérémonie de renouvellement de l’alliance, une forme contemporaine du Hakhel.
En 1987, donnant un discours lors de la célébration du bicentenaire de la Constitution américaine, le président Ronald Reagan décrivit la constitution comme une sorte “d’alliance que nous avons faite non seulement avec nous-mêmes mais avec toute l’humanité… c’est une alliance humaine, oui, et au-delà, une alliance avec l’être suprême auquel nos pères fondateurs faisait constamment appel pour les aider.” Le devoir de l’Amérique, dit-il, est de “constamment renouveler son alliance avec l’humanité… d’achever le travail commencé il y a 200 ans, cette grande et noble mission que représente l’appel particulier de l’Amérique, le triomphe de la liberté humaine, le triomphe de la liberté humaine sous D.ieu.[4]
Si le Hakhel est le renouvellement national, le commandement qui nous enjoint de participer à l’écriture d’un nouveau Séfer Torah est un renouvellement personnel. Ce fut la manière de Moïse de signifier à toutes les générations à venir : il ne faut pas se suffire de dire que j’ai reçu la Torah de mes parents (ou de mes grands-parents, de mes arrières-grands-parents). Vous devez la prendre et la renouveler à chaque génération.
L’une des caractéristiques les plus frappantes de la vie juive est que d’Israël à Palo Alto, les juifs font partie des utilisateurs les plus enthousiastes des technologies de l’information et ont contribué de manière disproportionnée à son développement (Google, Facebook, Waze). Mais nous écrivons toujours la Torah exactement de la même manière qu’il y a des milliers d’années, à la main, avec une plume, sur un rouleau de parchemin. Ce n’est pas un paradoxe, c’est une vérité profonde. Les gens qui portent leur passé avec eux peuvent construire leur avenir sans crainte.
Le renouvellement est l’une des entreprises humaines les plus difficiles. Il y a quelques années, je me suis assis avec l’homme qui s’apprêtait à devenir le premier ministre d’Angleterre. Au courant de la conversation, il dit “Ce pour quoi je prie le plus, c’est que lorsque nous y serons (il parlait du 10 Downing Street, la résidence officielle et le lieu de travail du premier ministre), je n’oublie jamais pourquoi je souhaitais y arriver.” J’imagine qu’il avait en tête les fameuses paroles de Harold Macmillan, le premier ministre britannique entre 1957 et 1963 qui, lorsqu’on lui demanda ce qu’il craignait le plus de la politique, il répondit, “les événements, mon cher garçon, les événements.”
Des choses se passent. Nous sommes soufflés par le vent qui passe, pris dans des problèmes qui ne dépendent pas de nous, et nous tombons. Lorsque cela se produit, que ce soit à des individus, à des institutions ou à des nations, nous vieillissons. Nous oublions qui nous sommes et pourquoi. Nous sommes en fin de compte envahis par les gens (ou les organisations ou les cultures) qui sont plus jeunes, plus affamés ou plus ambitieux que nous.
La seule manière de rester jeune, “d’avoir faim” et d’être ambitieux, c’est le renouvellement périodique, en se rappelant d'où nous venons, où nous allons et pourquoi. À quels idéaux sommes-nous attachés ? Quel périple sommes-nous appelés à poursuivre ? Ou à quelle histoire appartenons-nous ?
Quel moment précisément choisi, et quelle beauté, qu’au moment même où le plus grand des prophètes voit sa propre mort, D.ieu lui donne, et nous avec, le secret de l’immortalité, pas uniquement dans le ciel, mais aussi ici-bas sur terre. Lorsque nous préservons les termes de l’alliance, et en la renouvelant dans notre vie, nous vivons avec ceux qui nous succèdent, que ce soit à travers nos enfants, nos disciples ou ceux que nous avons aidés ou influencés. Nous “renouvelons pour nous les jours d'autrefois” (Lamentations 5:21). Moïse est mort, mais ce qu’il a enseigné et ce qu’il a recherché a perduré.
[1] Il y a une leçon importante ici : ce sont les prières que nous faisons pour les autres, et quand les autres prient pour nous, qui sont accordées ; pas uniquement celles que nous faisons pour nous-mêmes. C’est la raison pour laquelle, lorsque nous prions pour la guérison des malades ou le réconfort des endeuillés, nous le faisons spécifiquement “chez les autres” qui sont malades ou endeuillés. Tel que Juda Halevi l’a souligné dans le Kuzari, les intérêts des individus peuvent entrer en conflit les uns avec les autres, c’est la raison pour laquelle nous prions en communauté, cherchant le bien commun.
[2] C’est la lecture de l’événement par le Radak et le Ralbag. Abarbanel a du mal à croire qu’il n’y avait pas d’autres copies de la Torah préservées même durant les périodes idolâtres de l’histoire de la nation, et suggère que ce qui a été découvert, scellé dans le Temple, fut la propre Torah de Moïse, écrite de sa propre main.
[3] Voir Jérémie 31.
[4] Public Papers of the Presidents of the United States, Ronald Reagan, 1987, 1040-43.
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