La paracha de Yitro relate le moment révolutionnaire au cours duquel D.ieu, Créateur du Ciel et de la Terre, est entré dans un accord mutuellement contraignant avec une nation, les enfants d’Israël, un accord que nous appelons une brit, une alliance.
Il ne s’agit pas de la première alliance divine dans la Torah. D.ieu en a déjà fait une avec Noa’h, et à travers lui, toute l’humanité, et Il en a fait une autre avec Abraham, dont le signe fut la circoncision. Mais ces alliances-là n’étaient pas pleinement réciproques. D.ieu n’a pas demandé son accord à Noa’h, et Il n’a pas non plus attendu le consentement d’Abraham.
Le Sinaï était une toute autre histoire. Pour la première fois, D.ieu voulut que l’alliance soit entièrement mutuelle pour être acceptée librement. Nous voyons qu’à la fois avant et après la révélation au Sinaï, D.ieu demande à Moïse de s’assurer le consentement du peuple.
Ce point est fondamental. D.ieu veut gouverner par le droit, pas par la force. Le D.ieu qui a acheminé un peuple asservi jusqu’à la liberté recherche le culte libre d’humains libres.
D.ieu n’agit pas envers Ses créatures comme un tyran.
Avoda Zara 3a
Au Sinaï est né le principe qui, des millénaires plus tard, fut décrit par Thomas Jefferson dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis : l’idée selon laquelle les gouverneurs et les gouvernements tirent “leurs justes pouvoirs du consentement des gouvernés.” C’est pour cela que l’alliance à Sinaï était conditionnée à l’accord du peuple.
Il faut reconnaître que le Talmud remet en question l’ampleur de la liberté des israélites, et il emploie pour cela une image frappante. Il dit que D.ieu a suspendu la montagne au-dessus de leurs têtes et dit : “Si vous êtes d’accord, tout ira bien pour vous. Sinon, ce lieu sera votre tombeau.” Il s’agit d’un autre sujet pour un autre moment. Il va sans dire qu’il n’y a pas d’indication de cela dans le sens littéral du texte lui-même.
Ce qui est intéressant est la formulation précise par laquelle les israélites signalent leur consentement. Ils le renouvellent à trois reprises : une fois avant la révélation, puis deux fois par la suite dans la paracha de Michpatim.
Écoutez ces trois verbes. Avant la révélation :
Tout le peuple a répondu à l’unisson et a dit : “Tout ce que D.ieu a dit, nous le ferons [na’assé].”
Exode 19:8
Puis après :
Moïse, de retour, transmit au peuple toutes les paroles de l'Éternel et tous les statuts; et le peuple entier répondit d'une seule voix : "Tout ce qu'a prononcé l'Éternel, nous l'exécuterons [na’assé]."
Exode 24:3
Et il prit le livre de l'Alliance, dont il fit entendre la lecture au peuple et ils répondirent : "Nous exécuterons [na’assé] docilement tout ce qu'a prononcé [ve-nichma] l'Éternel. "
Exode 24:7
Notez la différence subtile. Dans deux cas, le peuple dit : tout ce que dit D.ieu, nous le ferons. Dans le troisième, le double verbe est utilisé : na’assé ve-nichma. “Nous ferons et nous entendrons, (ou obéirons, ou prêterons l’oreille ou comprendrons).” Le mot chéma signifie “comprendre”, comme nous le voyons dans l’histoire de la tour de Babel :
“Confondons leur langage, de sorte que l'un ne comprenne pas le langage de l'autre."
Gen. 11:7
Notez maintenant qu’il existe une autre différence entre ces trois versets. Dans les deux premiers cas, un accent est clairement mis sur l’unité du peuple. Les deux phrases sont très frappantes. La première dit : tout le peuple a répondu à l’unisson. La deuxième dit, tout le peuple répondit d’une seule voix. Dans un livre qui met l’accent sur la dimension fracturée et séparatiste du peuple, de telles déclarations d’unanimité sont significatives et rares. Mais le troisième verset qui mentionne à la fois l’action et l’écoute ou la compréhension ne comporte aucune affirmation de ce genre. Il dit simplement : Ils répondirent. Il n’y a aucun accent mis sur l’unanimité ou le consensus.
Ce que nous avons ici est un commentaire biblique sur l’une des caractéristiques les plus frappantes du judaïsme : la différence entre l’action et la croyance, entre la assiya et la chemiya, entre faire et comprendre.
Les chrétiens ont la théologie. Les juifs ont la loi. Il s’agit de deux approches très différentes de la vie religieuse. Le judaïsme est une communauté d’action. Il s’agit de la manière dont les gens interagissent les uns avec les autres. Tout comme nous connaissons D.ieu à travers ce qu’Il fait, D.ieu nous demande de L’impliquer dans ce que nous faisons. Au commencement, tel que Goethe l’a dit, fut l’action. C’est pour cela que le judaïsme est une religion de loi, car la loi est l’architecte du comportement.
Lorsqu’il s’agit de croyances, principes ou doctrines, tous les éléments qui dépendent de la chemiya plutôt que de la assiya, de la compréhension plutôt que de l’action : le judaïsme n’appelle pas à l’unanimité. Pas parce que le judaïsme manque de croyances ; au contraire, le judaïsme est précisément ce qu’il est grâce à nos croyances, plus particulièrement la croyance dans le monothéisme, à son existence, au minimum et au maximum un D.ieu. La Torah nous raconte la création dans Béréchit, la rédemption dans Chémot, et la révélation dans la paracha de cette semaine.
Le judaïsme est une série de croyances, mais n’est pas une communauté basée sur l’unanimité de la manière dont nous comprenons et interprétons ces croyances. Il reconnaît que nous sommes différents d’un point de vue intellectuel et caractériel. Le judaïsme a eu ses rationalistes et ses mystiques, ses philosophes et ses poètes, ses naturalistes et ses supernaturalistes : Rabbi Ichmaël et Rabbi Akiva, Juda Halevi et Maïmonide, le Gaon de Vilna et le Baal Chem Tov. Nous cherchons l’unanimité dans la Halakha, pas dans la haggada. Pour le naassé, nous agissons de la même manière, mais le nichma, nous le comprenons chacun à notre manière. C’est la différence entre la manière de servir D.ieu, collectivement, et la manière de comprendre D.ieu, individuellement.
Ce qui est fascinant est que cette caractéristique connue du judaïsme est déjà signalée dans la Torah : dans la différence entre la manière dont elle parle sur le naassé, “à l’unisson,” “d’une seule voix,” et nichma, avec aucun consensus collectif particulier.
Nos agissements, notre naassé, sont publics. Nos pensées, notre nichma, sont privées. C’est comme cela que nous en venons à servir D.ieu ensemble, mais en s’identifiant à Lui de manière individuelle, dans le caractère unique de notre être.
En quoi l'alliance au mont Sinaï se distingue-t-elle des autres alliances entre D.ieu et Son peuple ?
Comment décidez-vous à quel moment dire “oui” ? Pouvez-vous penser à un moment au cours duquel vous avez accepté quelque chose d’important en agissant d’abord, puis en comprenant par la suite, ou vice versa ?
Comment pouvons-nous équilibrer le naassé et le nichma dans nos processus de prise de décision personnels et collectifs ?
Les Dix Commandements constituent le code moral et religieux le plus célèbre de l’histoire. Jusqu’à tout récemment, ils ornaient les tribunaux américains. Ils ornent toujours…
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La paracha de Yitro relate le moment révolutionnaire au cours duquel D.ieu, Créateur du Ciel et de la Terre, est entré dans un accord mutuellement contraignant avec une nation, les enfants d’Israël, un accord que nous appelons une brit, une alliance.
Il ne s’agit pas de la première alliance divine dans la Torah. D.ieu en a déjà fait une avec Noa’h, et à travers lui, toute l’humanité, et Il en a fait une autre avec Abraham, dont le signe fut la circoncision. Mais ces alliances-là n’étaient pas pleinement réciproques. D.ieu n’a pas demandé son accord à Noa’h, et Il n’a pas non plus attendu le consentement d’Abraham.
Le Sinaï était une toute autre histoire. Pour la première fois, D.ieu voulut que l’alliance soit entièrement mutuelle pour être acceptée librement. Nous voyons qu’à la fois avant et après la révélation au Sinaï, D.ieu demande à Moïse de s’assurer le consentement du peuple.
Ce point est fondamental. D.ieu veut gouverner par le droit, pas par la force. Le D.ieu qui a acheminé un peuple asservi jusqu’à la liberté recherche le culte libre d’humains libres.
Au Sinaï est né le principe qui, des millénaires plus tard, fut décrit par Thomas Jefferson dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis : l’idée selon laquelle les gouverneurs et les gouvernements tirent “leurs justes pouvoirs du consentement des gouvernés.” C’est pour cela que l’alliance à Sinaï était conditionnée à l’accord du peuple.
Il faut reconnaître que le Talmud remet en question l’ampleur de la liberté des israélites, et il emploie pour cela une image frappante. Il dit que D.ieu a suspendu la montagne au-dessus de leurs têtes et dit : “Si vous êtes d’accord, tout ira bien pour vous. Sinon, ce lieu sera votre tombeau.” Il s’agit d’un autre sujet pour un autre moment. Il va sans dire qu’il n’y a pas d’indication de cela dans le sens littéral du texte lui-même.
Ce qui est intéressant est la formulation précise par laquelle les israélites signalent leur consentement. Ils le renouvellent à trois reprises : une fois avant la révélation, puis deux fois par la suite dans la paracha de Michpatim.
Écoutez ces trois verbes. Avant la révélation :
Puis après :
Notez la différence subtile. Dans deux cas, le peuple dit : tout ce que dit D.ieu, nous le ferons. Dans le troisième, le double verbe est utilisé : na’assé ve-nichma. “Nous ferons et nous entendrons, (ou obéirons, ou prêterons l’oreille ou comprendrons).” Le mot chéma signifie “comprendre”, comme nous le voyons dans l’histoire de la tour de Babel :
Notez maintenant qu’il existe une autre différence entre ces trois versets. Dans les deux premiers cas, un accent est clairement mis sur l’unité du peuple. Les deux phrases sont très frappantes. La première dit : tout le peuple a répondu à l’unisson. La deuxième dit, tout le peuple répondit d’une seule voix. Dans un livre qui met l’accent sur la dimension fracturée et séparatiste du peuple, de telles déclarations d’unanimité sont significatives et rares. Mais le troisième verset qui mentionne à la fois l’action et l’écoute ou la compréhension ne comporte aucune affirmation de ce genre. Il dit simplement : Ils répondirent. Il n’y a aucun accent mis sur l’unanimité ou le consensus.
Ce que nous avons ici est un commentaire biblique sur l’une des caractéristiques les plus frappantes du judaïsme : la différence entre l’action et la croyance, entre la assiya et la chemiya, entre faire et comprendre.
Les chrétiens ont la théologie. Les juifs ont la loi. Il s’agit de deux approches très différentes de la vie religieuse. Le judaïsme est une communauté d’action. Il s’agit de la manière dont les gens interagissent les uns avec les autres. Tout comme nous connaissons D.ieu à travers ce qu’Il fait, D.ieu nous demande de L’impliquer dans ce que nous faisons. Au commencement, tel que Goethe l’a dit, fut l’action. C’est pour cela que le judaïsme est une religion de loi, car la loi est l’architecte du comportement.
Lorsqu’il s’agit de croyances, principes ou doctrines, tous les éléments qui dépendent de la chemiya plutôt que de la assiya, de la compréhension plutôt que de l’action : le judaïsme n’appelle pas à l’unanimité. Pas parce que le judaïsme manque de croyances ; au contraire, le judaïsme est précisément ce qu’il est grâce à nos croyances, plus particulièrement la croyance dans le monothéisme, à son existence, au minimum et au maximum un D.ieu. La Torah nous raconte la création dans Béréchit, la rédemption dans Chémot, et la révélation dans la paracha de cette semaine.
Le judaïsme est une série de croyances, mais n’est pas une communauté basée sur l’unanimité de la manière dont nous comprenons et interprétons ces croyances. Il reconnaît que nous sommes différents d’un point de vue intellectuel et caractériel. Le judaïsme a eu ses rationalistes et ses mystiques, ses philosophes et ses poètes, ses naturalistes et ses supernaturalistes : Rabbi Ichmaël et Rabbi Akiva, Juda Halevi et Maïmonide, le Gaon de Vilna et le Baal Chem Tov. Nous cherchons l’unanimité dans la Halakha, pas dans la haggada. Pour le naassé, nous agissons de la même manière, mais le nichma, nous le comprenons chacun à notre manière. C’est la différence entre la manière de servir D.ieu, collectivement, et la manière de comprendre D.ieu, individuellement.
Ce qui est fascinant est que cette caractéristique connue du judaïsme est déjà signalée dans la Torah : dans la différence entre la manière dont elle parle sur le naassé, “à l’unisson,” “d’une seule voix,” et nichma, avec aucun consensus collectif particulier.
Nos agissements, notre naassé, sont publics. Nos pensées, notre nichma, sont privées. C’est comme cela que nous en venons à servir D.ieu ensemble, mais en s’identifiant à Lui de manière individuelle, dans le caractère unique de notre être.
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