● Ce résumé est adapté de l’essai écrit par Rabbi Sacks en 2011, disponible ici.
Au buisson ardent était, Moché demande à D.ieu “Qui suis-je pour aborder Pharaon et pour faire sortir les enfants d'Israël d’Égypte ?” Moché demande deux choses. Qui suis-je pour mériter d’une telle mission et comment puis-je potentiellement réussir ?
D.ieu répond. “Car Je serai avec toi.” Il dit que Moché va réussir car il ne le fera pas seul. D.ieu agira pour lui, et Moché sera Sa voix. Mais D.ieu ne répond pas directement à la première question.
Comme bien d’autres dirigeants dans le Tanakh, Moché ne croit pas être méritant du tout. Dans tout le Tanakh, les gens qui s’avèrent être les plus méritants sont ceux qui nient de l’être, à plus forte raison Moché. C’est comme si un sentiment d'infériorité était un signe de grandeur, car ceux avec beaucoup d’ambition n’ont d’habitude pas le niveau d’humilité d’un homme comme Moché, et ne font souvent pas de bons dirigeants.
Mais il y a une question dans la question de Moché. “Qui suis-je” peut être une question qui ne porte pas uniquement sur un sentiment de valeur. Elle peut également être une question à propos de l’identité. “Qui suis-je ? Comment puis-je mener un peuple à la liberté ?” Il y a deux réponses possibles. La première : Moïse est un prince d’Égypte. Il avait grandi dans le palais royal. Il s’habillait comme un égyptien, parlait comme un égyptien, et avait tout l’air d’un égyptien.
La deuxième était qu’il était un Midianite. Bien qu’il soit égyptien de par son éducation, il avait construit son foyer à Midian, s’était marié à une femme Midiane, Tsipora, fille d’un prêtre Midian, et y a vécu plusieurs années en tant que berger. Il quitta l’Égypte en tant que jeune homme et avait presque quatre-vingt ans au début de sa mission lorsqu’il se tenait devant Pharaon.
Donc, lorsque Moïse demande “Qui suis-je”, ce n’est pas qu’il se sent indigne de la tâche. Il ne se sent pas impliqué. Il est peut-être juif de naissance, mais il n’avait pas souffert du sort de son peuple. Il n’avait pas grandi en tant que juif. Il n’avait pas vécu parmi les juifs. Il avait de bonnes raisons de douter que les israélites allaient même le reconnaître comme un des leurs. Comment pouvait-il donc devenir leur dirigeant ? Pourquoi devrait-il penser à devenir leur dirigeant ? Leur destin n’était pas le sien. Il n’en faisait pas partie et il n’en souffrait pas.
Cela n’est guère surprenant que lorsque D.ieu l’a invité à mener les israélites vers la liberté, il résista. Comment D.ieu savait-il qu’il était l’homme pour le rôle ?
“Or, en ce temps-là, Moïse, ayant grandi, alla parmi ses frères et fut témoin de leurs souffrances”. Plus tôt dans Chémot, nous lisons que Moché a reconnu que ces gens étaient son peuple. Il avait peut-être l’air d’un égyptien mais il savait qu’il n’en était pas un. Ce fut un moment transformateur, similaire à ce que Ruth la Moabite dit à sa belle-même israélite Naomi, “ton peuple sera mon peuple et ton D.ieu sera mon D.ieu”. Ruth n’était pas née juive. Moïse n’était pas juif de par son éducation. Mais tous deux savaient que lorsqu’ils voyaient une souffrance et s’identifiaient à celui qui souffrait, ils ne pouvaient pas demeurer indifférents.
Rabbi Joseph Soloveitchik qualifiait cela d’une alliance de foi, brit goral. Elle se tient au cœur de l’identité juive jusqu’à ce jour. Il y a des juifs qui croient et d’autres qui ne croient pas. Il y a des juifs qui pratiquent et d’autres qui ne pratiquent pas. Mais il existe peu de juifs qui, lorsque leur peuple souffre, peuvent demeurer indifférents.
Le Rambam, qui définit cela comme “se séparer de la communauté”, dit qu’il s’agit d’un des péchés pour lesquels on perd sa part dans le monde à venir. C’est ce que la Haggada indique lorsqu’elle dit du fils impie que “parce qu’il s’est exclu de la communauté, il nie un principe fondamental de la foi.” Quel principe fondamental de la foi ? La foi en un destin collectif du peuple juif.
Qui suis-je ? demande Moché, mais dans son coeur il connaissait la réponse. Je ne suis pas Moché l’Égyptien ou Moché le Midian. Lorsque je vois mon peuple souffrir, je suis, et je ne peux être quelqu’un d’autre que Moïse le juif. Et si cela signifie que je dois endosser des responsabilités, alors je dois les endosser. Parce que je suis qui je suis et parce que mon peuple est ce qu’il est. Telle est l’identité juive d’alors, et d’aujourd’hui.
Autour de la table de Chabbat
En réfléchissant au doute de soi de Moïse, pensez-vous qu’il existe une distinction subtile entre l’humilité et le rabaissement de soi qui distingue un dirigeant fort d’un faible ?
Comment pensez-vous que l’expérience de Moïse en tant “qu’étranger” a façonné la manière dont il a mené les Bné Israël ?
Comment le concept d’une “alliance de foi” s’applique-t-elle à d’autres personnages du Tanakh, comme Ruth ou Esther ?
À propos de la Paracha
Écrit par Sara Lamm
Inspiré des enseignements de Rabbi Lord Jonathan Sacks
La paracha en bref
Paro asservit le peuple juif et ordonne que tous les bébés mâles juifs soient jetés dans le Nil, mais le jeune Moché est sauvé par la fille de Paro et élevé dans le palais royal. Il voit la souffrance du peuple et veut l’aider, allant jusqu’à tuer un maître égyptien. Puis Moché s’enfuit à Midian, se marie avec Tsipora et devient berger.
Un jour, Moché voit et entend D.ieu lors de l’épisode du buisson ardent. D.ieu lui dit d’ordonner la libération des Bné Israël de l’esclavage et nomme Aaron, le frère de Moché, comme porte-parole. Paro refuse de libérer le peuple et accroît même sa souffrance. Mais D.ieu dit que la libération approche.
Philosophie de Rabbi Sacks
Approfondissement
La question de Moché “qui suis-je ?” reflète à la fois un sentiment d’illégitimité et une lutte identitaire. Élevé en tant que prince égyptien et vivant ensuite comme berger midianite, Moché avait peu de lien avec la souffrance de son propre peuple. Son éducation et son mode de vie l'ont séparé de leur souffrance, le laissant incertain sur sa propre capacité à les diriger.
Mais une conscience de soi plus profonde émerge lorsqu’il s’identifie à leur douleur, les reconnaissant comme “son peuple”. Cette transition illustre la double nature de l’identité juive : l’humilité devant le caractère monumental de la responsabilité et un lien incassable avec le destin collectif du peuple juif. Moché réalise qu’il ne pouvait être indifférent à leur souffrance, acceptant son rôle de dirigeant en dépit de sentiments d’insécurité. Son périple nous enseigne que la vraie identité n’est pas définie par des circonstances mais bien par la volonté de porter la responsabilité de son peuple et de son destin.
Pouvez-vous réfléchir à un moment où vous vous êtes identifié à la souffrance collective de votre peuple (même si vous n’étiez pas personnellement en danger) ?
Activité sur la paracha
Le jeu du bandeau
Voici une manière amusante d’explorer l’identité ! Avant Chabbat, écrivez des paroles ou des noms (d’animaux, de figures de Torah ou d’objets) sur des post-its. Durant le jeu, les joueurs collent un papier sur leur front ou leur bandeau sans regarder afin que seuls les autres joueurs puissent voir le mot. Chaque joueur va à tour de rôle en posant des questions fermées (dont les réponses sont soit oui soit non) afin de révéler leur propre identité.
Réflexion : Avez-vous déjà vécu un moment où vous n’étiez pas sûr de vous-même ?
Une histoire pour tous les âges
Le roi de la soupe
Il était une fois un homme bienveillant qui s’appelait Rabbi Dov. Il vivait dans une petite maison nichée dans les rues pavées de la vieille ville de Jérusalem. Il n’avait pas beaucoup de moyens, mais plutôt que de se morfondre dans ses difficultés, il concentrait son attention sur la douleur et la souffrance de ceux qui l’entouraient. Certaines familles avoisinantes n’avaient pas assez de nourriture à manger, et Rabbi Dov compatissait à leur souffrance. Il savait ce que c’est que de ne pas avoir assez, de s’inquiéter de nourrir sa famille, et il ressentait donc un lien fort à leur souffrance. “Comment puis-je être indifférent à ceux dans le besoin, quand je connais leurs difficultés ?” se disait-il souvent. Ainsi, en dépit de ses difficultés, Rabbi Dov décida d’aider.
Chaque jour, il allait dans sa petite cuisine et préparait une grande marmite de soupe en utilisant les ingrédients les plus simples, des légumes, des fèves et des graines. Elle était roborative, mais copieuse et délicieuse, exactement ce qu’il fallait.
Tout le voisinage entendit parler de la soupe de Rabbi Dov. Bientôt, des familles venaient de partout pour solliciter un petit bol. Rabbi Dov répondait toujours par l’affirmative. “Qui suis-je pour rejeter quelqu’un qui a moins que moi ? Je comprends leurs difficultés”, disait-il tout en servant des louches de soupe.
Au fil du temps, Rabbi Dov se fit appeler “le roi de la soupe.” Ses bols de soupe parvenaient à nourrir de nombreuses personnes, et bientôt, d’autres furent inspirés par sa gentillesse. La jeune nièce de Rabbi Dov commença à préparer des croûtons à ajouter à la soupe. D’autres personnes lui apportèrent des sacs de légumes, donnèrent de l’argent, ou l’aidaient à cuisiner et ensemble, leur générosité et leurs efforts permirent d’aider plus en plus de gens.
L’histoire de Rabbi Dov nous rappelle que la véritable gentillesse provient de l’empathie. Lorsque l’on a vécu des difficultés, nous sommes en position privilégiée pour comprendre et se lier aux autres. Car même lorsqu’on a pas grand chose, nous pouvons quand même faire une différence en partageant ce que nous avons.
Dans quelle mesure pensez-vous que cette histoire soit liée à Moché dans notre paracha ?
À propos de la Haftara
Écrit par Rabbi Barry Kleinberg
Inspiré des enseignements de Rabbi Lord Jonathan Sacks
Résumé de la Haftara
La Haftara en bref
Isaïe 27:7-28:13 et 29:22-3 (Ashkénazes)
Jeremie 1:1-2:3 (Séfarades)
Les Ashkénazes commencent par Isaïe 27:7–28:13, où le prophète réfléchit sur la façon dont D.ieu gère son peuple. Alors que D.ieu punit Israël, Son jugement reste mesuré, comparé à la façon dont Il traite leurs ennemis. D.ieu cherche à raffiner Son peuple, retirant leur idolâtrie et leur péché. Mais Israël a de la difficulté avec l’entêtement et la désobéissance, rejetant la parole de D.ieu.
Dans Isaïe 28:1–13, Isaïe dénonce les dirigeants d’Éfraim et de Jérusalem pour leur arrogance, leur indulgence et leur dépendance de la sagesse humaine plutôt que celle de D.ieu. Ils se moquent du message de D.ieu, rejettant Son appel au repentir. Isaïe met en garde que leur rejet mènera au jugement.
Dans Isaïe 29:22–23, la restauration de Jacob (Israël) est envisagée. La rédemption de D.ieu amènera transformation et révérence. Le peuple en viendra à honorer la sainteté de D.ieu et voir Son œuvre, ce qui mènera à une foi renouvelée et une obéissance de la relation de l’alliance.
Les Séfarades lisent un passage différent d’un livre tout à fait différent : le début du livre de Jérémie, dans lequel il est appelé à diriger le peuple. D.ieu lui dit qu’il a été choisi avant même qu’il ne soit né. Jérémie se sent indigne mais D.ieu l’assure qu’Il est avec lui. Jérémie a ensuite des visions que D.ieu explique comme signifiant que le peuple sera attaqué, mais D.ieu les protégera à chaque fois.
Points de réflexion
Pouvez-vous nommer les femmes auxquelles Rabbi Sacks fait référence dans la citation de la semaine ?
Pouvez-vous nommer d’autres femmes dirigeantes dans le Tanakh ?
Combien de femmes dirigeantes contemporaines du peuple juif pouvez-vous nommer ?
Connexions du Tanakh
Liens entre la paracha et la Haftara
La Haftara lue par les Séfarades a un lien évident à la paracha de cette semaine. Tout comme Yirmiyahou est réticent à porter le flambeau du leadership, de la même manière, dans Chémot, Moché est réticent à conduire le peuple juif hors d’Égypte. Les deux hommes protestent initialement parce qu'ils ne savent pas bien parler. Les deux hommes surmontent leurs réserves et deviennent des grands dirigeants et orateurs du peuple.
Le lien entre la Haftara lue par les Ashkénazes et la paracha est moins évident. Examinons cela de plus près.
L’un des liens est linguistique. Le premier verset à la fois de la paracha et la haftara comporte le mot “ha-ba’im” (littéralement “qui vient”). Alors que le mot a des sens différents dans chaque texte, il est peu probable qu’il soit accidentel que cette Haftara soit choisie pour la paracha de cette semaine. Dans Chémot, le mot est lié aux fils de Yaakov qui sont venus d’Égypte. Dans la Haftara, cela fait référence aux jours qui viendront à l’avenir.
Le verset d’ouverture des deux textes ont des liens thématiques également. La paracha commence par “les enfants d'Israël avaient augmenté, pullulé, étaient devenus prodigieusement nombreux…” La Haftara commence par “... Israël prospérera, et le visage du monde sera recouvert de ses fruits.”
Contexte pour les Prophètes
Les livres d’Isaïe et de Jérémie
Rabbi Sacks enseigne qu’il y a un thème commun à plusieurs grands dirigeants du Tanakh. “Dans le Tanakh, ceux qui s’avèrent être les plus méritants sont ceux qui nient être méritants.”
Par exemple, lorsqu’Isaïe est chargé de sa mission, ses protestations sont les suivantes : “je suis un homme aux lèvres impures (Is. 6:5). Jérémie, dans la Haftara de cette semaine, est appelé à diriger et dit, “je ne sais point parler, car je suis un enfant !" (Jer. 1:6). Tout comme David, le plus grand roi d’Israël, fait écho aux paroles de Moché, “Qui suis-je ?” (II Samuel 7:18). Jonas, envoyé en mission par D.ieu, essaie de s’enfuir. Selon le Rachbam, Jacob s’apprêtait à partir lorsqu’il vit son chemin bloqué par l’homme (qui aurait pu être un ange) avec lequel il s’est battu durant la nuit (Rachbam sur Béréchit 32:23).
Rabbi Sacks conclut dans Covenant & Conversation de cette semaine, que ces dirigeants “sont devenus des héros de la vie morale contre leur gré. Il y avait du travail à faire, D.ieu le leur dit, et il l’ont fait ; presque comme si un sentiment de petitesse est un signe de grandeur.”
Citation de la semaine
“A priori, la paracha de Chémot repose sur l’initiation au leadership d’un homme remarquable, mais en filigrane se trouve un contre-récit de six femmes extraordinaires sans lesquelles il n’y aurait pas eu de Moché.”
Réflexions supplémentaires
Quelle serait votre première réaction si quelqu’un vous demandait de faire un travail très important, au-delà de ce que vous avez fait auparavant ?
Written as an accompaniment to Rabbi Sacks’ weekly Covenant & Conversation essay, the
Family Edition
is aimed at connecting teenagers with his ideas and thoughts on the parsha.
Qui suis-je ?
Family Edition
Chémot
Inspired by the teachings of Rabbi Lord Jonathan Sacks
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Chémot
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Résumé du Covenant & Conversation
● Ce résumé est adapté de l’essai écrit par Rabbi Sacks en 2011, disponible ici.
Au buisson ardent était, Moché demande à D.ieu “Qui suis-je pour aborder Pharaon et pour faire sortir les enfants d'Israël d’Égypte ?” Moché demande deux choses. Qui suis-je pour mériter d’une telle mission et comment puis-je potentiellement réussir ?
D.ieu répond. “Car Je serai avec toi.” Il dit que Moché va réussir car il ne le fera pas seul. D.ieu agira pour lui, et Moché sera Sa voix. Mais D.ieu ne répond pas directement à la première question.
Comme bien d’autres dirigeants dans le Tanakh, Moché ne croit pas être méritant du tout. Dans tout le Tanakh, les gens qui s’avèrent être les plus méritants sont ceux qui nient de l’être, à plus forte raison Moché. C’est comme si un sentiment d'infériorité était un signe de grandeur, car ceux avec beaucoup d’ambition n’ont d’habitude pas le niveau d’humilité d’un homme comme Moché, et ne font souvent pas de bons dirigeants.
Mais il y a une question dans la question de Moché. “Qui suis-je” peut être une question qui ne porte pas uniquement sur un sentiment de valeur. Elle peut également être une question à propos de l’identité. “Qui suis-je ? Comment puis-je mener un peuple à la liberté ?” Il y a deux réponses possibles. La première : Moïse est un prince d’Égypte. Il avait grandi dans le palais royal. Il s’habillait comme un égyptien, parlait comme un égyptien, et avait tout l’air d’un égyptien.
La deuxième était qu’il était un Midianite. Bien qu’il soit égyptien de par son éducation, il avait construit son foyer à Midian, s’était marié à une femme Midiane, Tsipora, fille d’un prêtre Midian, et y a vécu plusieurs années en tant que berger. Il quitta l’Égypte en tant que jeune homme et avait presque quatre-vingt ans au début de sa mission lorsqu’il se tenait devant Pharaon.
Donc, lorsque Moïse demande “Qui suis-je”, ce n’est pas qu’il se sent indigne de la tâche. Il ne se sent pas impliqué. Il est peut-être juif de naissance, mais il n’avait pas souffert du sort de son peuple. Il n’avait pas grandi en tant que juif. Il n’avait pas vécu parmi les juifs. Il avait de bonnes raisons de douter que les israélites allaient même le reconnaître comme un des leurs. Comment pouvait-il donc devenir leur dirigeant ? Pourquoi devrait-il penser à devenir leur dirigeant ? Leur destin n’était pas le sien. Il n’en faisait pas partie et il n’en souffrait pas.
Cela n’est guère surprenant que lorsque D.ieu l’a invité à mener les israélites vers la liberté, il résista. Comment D.ieu savait-il qu’il était l’homme pour le rôle ?
“Or, en ce temps-là, Moïse, ayant grandi, alla parmi ses frères et fut témoin de leurs souffrances”. Plus tôt dans Chémot, nous lisons que Moché a reconnu que ces gens étaient son peuple. Il avait peut-être l’air d’un égyptien mais il savait qu’il n’en était pas un. Ce fut un moment transformateur, similaire à ce que Ruth la Moabite dit à sa belle-même israélite Naomi, “ton peuple sera mon peuple et ton D.ieu sera mon D.ieu”. Ruth n’était pas née juive. Moïse n’était pas juif de par son éducation. Mais tous deux savaient que lorsqu’ils voyaient une souffrance et s’identifiaient à celui qui souffrait, ils ne pouvaient pas demeurer indifférents.
Rabbi Joseph Soloveitchik qualifiait cela d’une alliance de foi, brit goral. Elle se tient au cœur de l’identité juive jusqu’à ce jour. Il y a des juifs qui croient et d’autres qui ne croient pas. Il y a des juifs qui pratiquent et d’autres qui ne pratiquent pas. Mais il existe peu de juifs qui, lorsque leur peuple souffre, peuvent demeurer indifférents.
Le Rambam, qui définit cela comme “se séparer de la communauté”, dit qu’il s’agit d’un des péchés pour lesquels on perd sa part dans le monde à venir. C’est ce que la Haggada indique lorsqu’elle dit du fils impie que “parce qu’il s’est exclu de la communauté, il nie un principe fondamental de la foi.” Quel principe fondamental de la foi ? La foi en un destin collectif du peuple juif.
Qui suis-je ? demande Moché, mais dans son coeur il connaissait la réponse. Je ne suis pas Moché l’Égyptien ou Moché le Midian. Lorsque je vois mon peuple souffrir, je suis, et je ne peux être quelqu’un d’autre que Moïse le juif. Et si cela signifie que je dois endosser des responsabilités, alors je dois les endosser. Parce que je suis qui je suis et parce que mon peuple est ce qu’il est. Telle est l’identité juive d’alors, et d’aujourd’hui.
Autour de la table de Chabbat
À propos de la Paracha
Écrit par Sara Lamm
Inspiré des enseignements de Rabbi Lord Jonathan Sacks
La paracha en bref
Paro asservit le peuple juif et ordonne que tous les bébés mâles juifs soient jetés dans le Nil, mais le jeune Moché est sauvé par la fille de Paro et élevé dans le palais royal. Il voit la souffrance du peuple et veut l’aider, allant jusqu’à tuer un maître égyptien. Puis Moché s’enfuit à Midian, se marie avec Tsipora et devient berger.
Un jour, Moché voit et entend D.ieu lors de l’épisode du buisson ardent. D.ieu lui dit d’ordonner la libération des Bné Israël de l’esclavage et nomme Aaron, le frère de Moché, comme porte-parole. Paro refuse de libérer le peuple et accroît même sa souffrance. Mais D.ieu dit que la libération approche.
Philosophie de Rabbi Sacks
Approfondissement
La question de Moché “qui suis-je ?” reflète à la fois un sentiment d’illégitimité et une lutte identitaire. Élevé en tant que prince égyptien et vivant ensuite comme berger midianite, Moché avait peu de lien avec la souffrance de son propre peuple. Son éducation et son mode de vie l'ont séparé de leur souffrance, le laissant incertain sur sa propre capacité à les diriger.
Mais une conscience de soi plus profonde émerge lorsqu’il s’identifie à leur douleur, les reconnaissant comme “son peuple”. Cette transition illustre la double nature de l’identité juive : l’humilité devant le caractère monumental de la responsabilité et un lien incassable avec le destin collectif du peuple juif. Moché réalise qu’il ne pouvait être indifférent à leur souffrance, acceptant son rôle de dirigeant en dépit de sentiments d’insécurité. Son périple nous enseigne que la vraie identité n’est pas définie par des circonstances mais bien par la volonté de porter la responsabilité de son peuple et de son destin.
Pouvez-vous réfléchir à un moment où vous vous êtes identifié à la souffrance collective de votre peuple (même si vous n’étiez pas personnellement en danger) ?
Activité sur la paracha
Le jeu du bandeau
Voici une manière amusante d’explorer l’identité ! Avant Chabbat, écrivez des paroles ou des noms (d’animaux, de figures de Torah ou d’objets) sur des post-its. Durant le jeu, les joueurs collent un papier sur leur front ou leur bandeau sans regarder afin que seuls les autres joueurs puissent voir le mot. Chaque joueur va à tour de rôle en posant des questions fermées (dont les réponses sont soit oui soit non) afin de révéler leur propre identité.
Réflexion : Avez-vous déjà vécu un moment où vous n’étiez pas sûr de vous-même ?
Une histoire pour tous les âges
Le roi de la soupe
Il était une fois un homme bienveillant qui s’appelait Rabbi Dov. Il vivait dans une petite maison nichée dans les rues pavées de la vieille ville de Jérusalem. Il n’avait pas beaucoup de moyens, mais plutôt que de se morfondre dans ses difficultés, il concentrait son attention sur la douleur et la souffrance de ceux qui l’entouraient. Certaines familles avoisinantes n’avaient pas assez de nourriture à manger, et Rabbi Dov compatissait à leur souffrance. Il savait ce que c’est que de ne pas avoir assez, de s’inquiéter de nourrir sa famille, et il ressentait donc un lien fort à leur souffrance. “Comment puis-je être indifférent à ceux dans le besoin, quand je connais leurs difficultés ?” se disait-il souvent. Ainsi, en dépit de ses difficultés, Rabbi Dov décida d’aider.
Chaque jour, il allait dans sa petite cuisine et préparait une grande marmite de soupe en utilisant les ingrédients les plus simples, des légumes, des fèves et des graines. Elle était roborative, mais copieuse et délicieuse, exactement ce qu’il fallait.
Tout le voisinage entendit parler de la soupe de Rabbi Dov. Bientôt, des familles venaient de partout pour solliciter un petit bol. Rabbi Dov répondait toujours par l’affirmative. “Qui suis-je pour rejeter quelqu’un qui a moins que moi ? Je comprends leurs difficultés”, disait-il tout en servant des louches de soupe.
Au fil du temps, Rabbi Dov se fit appeler “le roi de la soupe.” Ses bols de soupe parvenaient à nourrir de nombreuses personnes, et bientôt, d’autres furent inspirés par sa gentillesse. La jeune nièce de Rabbi Dov commença à préparer des croûtons à ajouter à la soupe. D’autres personnes lui apportèrent des sacs de légumes, donnèrent de l’argent, ou l’aidaient à cuisiner et ensemble, leur générosité et leurs efforts permirent d’aider plus en plus de gens.
L’histoire de Rabbi Dov nous rappelle que la véritable gentillesse provient de l’empathie. Lorsque l’on a vécu des difficultés, nous sommes en position privilégiée pour comprendre et se lier aux autres. Car même lorsqu’on a pas grand chose, nous pouvons quand même faire une différence en partageant ce que nous avons.
Dans quelle mesure pensez-vous que cette histoire soit liée à Moché dans notre paracha ?
À propos de la Haftara
Écrit par Rabbi Barry Kleinberg
Inspiré des enseignements de Rabbi Lord Jonathan Sacks
Résumé de la Haftara
La Haftara en bref
Isaïe 27:7-28:13 et 29:22-3 (Ashkénazes)
Jeremie 1:1-2:3 (Séfarades)
Les Ashkénazes commencent par Isaïe 27:7–28:13, où le prophète réfléchit sur la façon dont D.ieu gère son peuple. Alors que D.ieu punit Israël, Son jugement reste mesuré, comparé à la façon dont Il traite leurs ennemis. D.ieu cherche à raffiner Son peuple, retirant leur idolâtrie et leur péché. Mais Israël a de la difficulté avec l’entêtement et la désobéissance, rejetant la parole de D.ieu.
Dans Isaïe 28:1–13, Isaïe dénonce les dirigeants d’Éfraim et de Jérusalem pour leur arrogance, leur indulgence et leur dépendance de la sagesse humaine plutôt que celle de D.ieu. Ils se moquent du message de D.ieu, rejettant Son appel au repentir. Isaïe met en garde que leur rejet mènera au jugement.
Dans Isaïe 29:22–23, la restauration de Jacob (Israël) est envisagée. La rédemption de D.ieu amènera transformation et révérence. Le peuple en viendra à honorer la sainteté de D.ieu et voir Son œuvre, ce qui mènera à une foi renouvelée et une obéissance de la relation de l’alliance.
Les Séfarades lisent un passage différent d’un livre tout à fait différent : le début du livre de Jérémie, dans lequel il est appelé à diriger le peuple. D.ieu lui dit qu’il a été choisi avant même qu’il ne soit né. Jérémie se sent indigne mais D.ieu l’assure qu’Il est avec lui. Jérémie a ensuite des visions que D.ieu explique comme signifiant que le peuple sera attaqué, mais D.ieu les protégera à chaque fois.
Points de réflexion
Connexions du Tanakh
Liens entre la paracha et la Haftara
La Haftara lue par les Séfarades a un lien évident à la paracha de cette semaine. Tout comme Yirmiyahou est réticent à porter le flambeau du leadership, de la même manière, dans Chémot, Moché est réticent à conduire le peuple juif hors d’Égypte. Les deux hommes protestent initialement parce qu'ils ne savent pas bien parler. Les deux hommes surmontent leurs réserves et deviennent des grands dirigeants et orateurs du peuple.
Le lien entre la Haftara lue par les Ashkénazes et la paracha est moins évident. Examinons cela de plus près.
L’un des liens est linguistique. Le premier verset à la fois de la paracha et la haftara comporte le mot “ha-ba’im” (littéralement “qui vient”). Alors que le mot a des sens différents dans chaque texte, il est peu probable qu’il soit accidentel que cette Haftara soit choisie pour la paracha de cette semaine. Dans Chémot, le mot est lié aux fils de Yaakov qui sont venus d’Égypte. Dans la Haftara, cela fait référence aux jours qui viendront à l’avenir.
Le verset d’ouverture des deux textes ont des liens thématiques également. La paracha commence par “les enfants d'Israël avaient augmenté, pullulé, étaient devenus prodigieusement nombreux…” La Haftara commence par “... Israël prospérera, et le visage du monde sera recouvert de ses fruits.”
Contexte pour les Prophètes
Les livres d’Isaïe et de Jérémie
Rabbi Sacks enseigne qu’il y a un thème commun à plusieurs grands dirigeants du Tanakh. “Dans le Tanakh, ceux qui s’avèrent être les plus méritants sont ceux qui nient être méritants.”
Par exemple, lorsqu’Isaïe est chargé de sa mission, ses protestations sont les suivantes : “je suis un homme aux lèvres impures (Is. 6:5). Jérémie, dans la Haftara de cette semaine, est appelé à diriger et dit, “je ne sais point parler, car je suis un enfant !" (Jer. 1:6). Tout comme David, le plus grand roi d’Israël, fait écho aux paroles de Moché, “Qui suis-je ?” (II Samuel 7:18). Jonas, envoyé en mission par D.ieu, essaie de s’enfuir. Selon le Rachbam, Jacob s’apprêtait à partir lorsqu’il vit son chemin bloqué par l’homme (qui aurait pu être un ange) avec lequel il s’est battu durant la nuit (Rachbam sur Béréchit 32:23).
Rabbi Sacks conclut dans Covenant & Conversation de cette semaine, que ces dirigeants “sont devenus des héros de la vie morale contre leur gré. Il y avait du travail à faire, D.ieu le leur dit, et il l’ont fait ; presque comme si un sentiment de petitesse est un signe de grandeur.”
Citation de la semaine
“A priori, la paracha de Chémot repose sur l’initiation au leadership d’un homme remarquable, mais en filigrane se trouve un contre-récit de six femmes extraordinaires sans lesquelles il n’y aurait pas eu de Moché.”
Réflexions supplémentaires
Quelle serait votre première réaction si quelqu’un vous demandait de faire un travail très important, au-delà de ce que vous avez fait auparavant ?
Written as an accompaniment to Rabbi Sacks’ weekly Covenant & Conversation essay, the Family Edition is aimed at connecting teenagers with his ideas and thoughts on the parsha.
Les dernières larmes
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