Quelque chose d’extraordinaire se produit entre la paracha précédente et celle de cette semaine, un peu comme si une pause d’une semaine entre les deux sections faisait partie de l’histoire.
Rappelez-vous de la paracha de la semaine dernière sur l’enfance de Joseph, en se focalisant non pas sur ce qui s’est passé, mais sur le responsable des événements. Tout au long du périple tumultueux de la jeune vie de Joseph, on le décrit comme étant passif et non pas actif ; celui qui subit, et non pas celui qui accomplit ; l’objet des verbes, et non pas leur sujet.
Ce fut son père qui l’a aimé et qui lui a donné une tunique richement brodée. Ce furent ses frères qui l’ont envié et qui l’ont haï. Il avait des rêves ; or on ne rêve pas intentionnellement, mais parce que les rêves s’immiscent dans notre esprit endormi de manière mystérieuse, toujours pas comprise.
Ses frères, s’occupant du bétail loin de chez eux, ont prévu de le tuer. Ils le jetèrent dans un puits. Il fut vendu en tant qu’esclave. Dans la maison de Potiphar, il acquit une position stratégique ; toutefois, le texte stipule clairement que cela n’était pas grâce à Joseph lui-même, mais grâce à D.ieu :
Le Seigneur fut avec Joseph, qui devint un homme heureux et fut admis dans la maison de son maître l'égyptien. Son maître vit que D.ieu était avec lui ; qu'Il faisait prospérer toutes les œuvres de ses mains.
Genèse 39:2–3
La femme de Potiphar a essayé sans succès de le séduire ; mais là aussi, Joseph fut passif, pas actif. Il ne l’a pas cherché, elle l’a cherché. Finalement, "Elle le saisit par son vêtement, en disant : ‘Viens dans mes bras !’ II abandonna son vêtement dans sa main, s'enfuit et s'élança dehors.” (Genèse 39:12). En utilisant le vêtement comme preuve, elle le fit emprisonner sur une fausse accusation. Joseph n’a rien pu faire pour prouver son innocence.
En prison, il devint à nouveau un dirigeant, un gérant ; et encore une fois, la Torah souligne que cela n’est pas dû à Joseph, mais à l’intervention divine :
Le Seigneur fut avec Joseph, lui attira de la bienveillance et le rendit agréable aux yeux du gouverneur de la Rotonde. Le gouverneur de la Rotonde ne vérifiait rien de ce qui passait par sa main, parce que le Seigneur était avec lui ; et ce qu'il entreprenait, le Seigneur le faisait réussir.
Gen. 39:21–23
Là-bas, il rencontra le maître échanson et le maître panetier de Pharaon. Ils eurent des rêves que Joseph interpréta, en insistant sur le fait que ce n’était pas lui mais D.ieu qui les élucidait : "L'interprétation n'est-elle pas à D.ieu ? Dites-les moi, je vous prie." (Gen. 40:8)
Il n’y a rien de tel nulle part dans le Tanakh. Tout ce qui est arrivé à Joseph fut le résultat de l’action de quelqu’un d’autre : celle de son père, de ses frères, de la femme de son maître, du gardien de prison ou de D.ieu Lui-même. Joseph était semblable à une balle lancée par des mains autres que les siennes.
Ensuite, pour la première fois de toute l’histoire, Joseph décida de prendre son destin en main. Sachant que le maître échanson s’apprêtait à regagner son poste, il lui demanda de faire entendre son cas à l’attention de Pharaon :
Elle appela les gens de sa maison et leur dit : "Voyez ! On nous a amené un Hébreu pour nous insulter ! II m'a abordée pour coucher avec moi et j'ai appelé à grands cris. Lui, entendant que j'élevais la voix pour appeler à mon aide, a laissé son habit près de moi ; il s'est échappé et il est sorti."
Gen. 39:14–15
Une double injustice s’est produite, et Joseph a vu cela comme sa seule chance de retrouver sa liberté. Pourtant, la fin de la paracha lui assène un coup de massue : “Mais le maître échanson ne se souvint plus de Joseph, il l’oublia” (40:23). La déception est immense, accentuée par le double verbe “ne se souvint plus” et “l’oublia”. Nous sentons Joseph attendre des nouvelles jour après jour, et finalement aucune n’arrive. Son dernier - et meilleur - espoir s’est volatilisé. Il ne sera jamais libre. Ou du moins, c’est ce que l’on peut penser.
Pour comprendre l’intensité de la déception, nous devons nous rappeler que c’est seulement depuis l’invention de l’imprimerie et la disponibilité des livres que nous sommes capables de savoir ce qui se passe par le simple fait de tourner une page. Pendant plusieurs siècles, il n’y avait pas de livres imprimés. Les gens connaissaient l’histoire biblique en l’écoutant semaine après semaine. Ceux qui écoutaient pour la première fois le récit devaient attendre une semaine pour découvrir ce qui arriverait à Joseph.
La pause entre les deux péricopes est donc une sorte d’équivalent dans la vie réelle du temps que Joseph a passé en prison : deux ans, comme cette paracha commence par nous dire. C’est à ce moment-là que Pharaon a fait deux rêves que personne ne pouvait interpréter, de telle sorte que le maître échanson se souvienne de l’homme qu’il avait rencontré en prison. Joseph fut amené chez Pharaon, et en quelques heures, il fut transformé de zéro à héros : de prisonnier sans espoir au vice-roi du plus grand empire de l’antiquité.
Pourquoi cette extraordinaire série d’événements ? Elle nous révèle quelque chose d’important, mais quoi ? Sûrement cela : D.ieu répond à nos prières, mais souvent d’une autre façon et à un autre moment que prévu. Joseph cherchait à sortir de prison, et il en est sorti. Mais pas immédiatement, et pas parce que le maître échanson a tenu sa promesse.
L’histoire nous raconte quelque chose de fondamental sur la relation entre nos rêves et nos réalisations. Joseph était le grand rêveur de la Torah, et la plupart de ses rêves se sont réalisés. Mais pas d’une manière que lui ou toute autre personne aurait anticipé. À la fin de la paracha précédente, avec Joseph toujours en prison, il semblait que ces rêves s’étaient terminés par un échec cuisant. Nous devons attendre une semaine, pendant que lui avait attendu pendant deux ans, avant de découvrir qu’il n’en fut pas ainsi.
Il n’y a aucun résultat sans effort. C’est le premier principe. D.ieu a sauvé Noé du déluge, mais Noé a d’abord dû construire l’arche. D.ieu a promis la terre à Abraham, mais il a dû d’abord acheter le tombeau de Makhpela dans lequel enterrer Sarah. D.ieu a promis aux Israélites la terre, mais ils ont d’abord dû mener les combats. Joseph est devenu dirigeant, tel qu’il l’avait rêvé. Mais il a dû d’abord parfaire ses compétences pratiques et administratives, d’abord dans la maison de Potiphar puis en prison. Même lorsque D.ieu garantit que quelque chose arrivera, ce ne sera pas sans effort. Une promesse divine n’est pas un substitut de la responsabilité humaine. Au contraire, il s’agit d’un appel à la responsabilité.
Toutefois, l’effort lui-même n’est pas suffisant. Nous avons besoin de siyata diChemaya, “d’aide du Ciel”. Nous avons besoin de l’humilité d’admettre que nous dépendons de forces qui ne sont pas de notre ressort. Aucun personnage de la Genèse n’a imploré D.ieu autant que Joseph. Tel que Rachi le dit (Genèse 39:3), “le nom de D.ieu était constamment dans sa bouche”. Il a attribué toutes ses réussites à D.ieu. Il a reconnu que sans D.ieu, il n’aurait pas pu faire ce qu’il a fait. De cette humilité, la patience a vu le jour.
Ceux qui ont accompli de grandes choses possèdent souvent cette combinaison inhabituelle de traits de caractère. D’une part, ils travaillent dur. Ils mettent du cœur à l’ouvrage, ils pratiquent et se donnent du mal. D’autre part, ils savent que ce ne sera pas uniquement leur main qui écrit le scénario. Ce ne sont pas nos efforts seuls qui décident du résultat. Nous prions donc, et D.ieu répond à nos prières, mais pas uniquement au moment et de la façon dont nous l’avons anticipé (et bien sûr, parfois la réponse est “non”).
Le Talmud (Niddah 70b) le dit simplement. Il demande : que devrions-nous faire pour devenir riche ? Il répond : travailler dur et se comporter de manière honnête. Pourtant, le Talmud révèle que plusieurs l’ont essayé et ne sont pas devenus riches. La réponse revient : vous devez prier D.ieu pour que la richesse arrive. Dans ce cas-là, demande le Talmud, pourquoi travailler dur ? Car le Talmud répond : l’un sans l’autre est insuffisant. Nous avons besoin des deux : l’effort humain et la faveur divine. D’une certaine manière, nous avons besoin d’être patients et impatients : impatients avec nous-même, mais patient dans l’attente que D.ieu bénisse nos entreprises.
Le délai d’une semaine entre l’échec de Joseph de sortir de prison et son succès final est là pour nous enseigner cet équilibre délicat. Si nous travaillons assez dur, D.ieu nous donne du succès, pas quand nous le voulons, mais plutôt lorsque le moment opportun se présente.
Comment l’humilité et la foi mènent-elles à la patience ?
Pouvez-vous nommer d’autres figures bibliques qui, à l’instar de Joseph, ont aussi prié D.ieu pour recevoir de l’aide, tout en agissant d’elles-mêmes ?
Quand avez-vous rencontré des succès ? Pouvez-vous attribuer cela à la fois à l’aide de D.ieu et à vos efforts ?
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Quelque chose d’extraordinaire se produit entre la paracha précédente et celle de cette semaine, un peu comme si une pause d’une semaine entre les deux sections faisait partie de l’histoire.
Rappelez-vous de la paracha de la semaine dernière sur l’enfance de Joseph, en se focalisant non pas sur ce qui s’est passé, mais sur le responsable des événements. Tout au long du périple tumultueux de la jeune vie de Joseph, on le décrit comme étant passif et non pas actif ; celui qui subit, et non pas celui qui accomplit ; l’objet des verbes, et non pas leur sujet.
Ce fut son père qui l’a aimé et qui lui a donné une tunique richement brodée. Ce furent ses frères qui l’ont envié et qui l’ont haï. Il avait des rêves ; or on ne rêve pas intentionnellement, mais parce que les rêves s’immiscent dans notre esprit endormi de manière mystérieuse, toujours pas comprise.
Ses frères, s’occupant du bétail loin de chez eux, ont prévu de le tuer. Ils le jetèrent dans un puits. Il fut vendu en tant qu’esclave. Dans la maison de Potiphar, il acquit une position stratégique ; toutefois, le texte stipule clairement que cela n’était pas grâce à Joseph lui-même, mais grâce à D.ieu :
La femme de Potiphar a essayé sans succès de le séduire ; mais là aussi, Joseph fut passif, pas actif. Il ne l’a pas cherché, elle l’a cherché. Finalement, "Elle le saisit par son vêtement, en disant : ‘Viens dans mes bras !’ II abandonna son vêtement dans sa main, s'enfuit et s'élança dehors.” (Genèse 39:12). En utilisant le vêtement comme preuve, elle le fit emprisonner sur une fausse accusation. Joseph n’a rien pu faire pour prouver son innocence.
En prison, il devint à nouveau un dirigeant, un gérant ; et encore une fois, la Torah souligne que cela n’est pas dû à Joseph, mais à l’intervention divine :
Là-bas, il rencontra le maître échanson et le maître panetier de Pharaon. Ils eurent des rêves que Joseph interpréta, en insistant sur le fait que ce n’était pas lui mais D.ieu qui les élucidait : "L'interprétation n'est-elle pas à D.ieu ? Dites-les moi, je vous prie." (Gen. 40:8)
Il n’y a rien de tel nulle part dans le Tanakh. Tout ce qui est arrivé à Joseph fut le résultat de l’action de quelqu’un d’autre : celle de son père, de ses frères, de la femme de son maître, du gardien de prison ou de D.ieu Lui-même. Joseph était semblable à une balle lancée par des mains autres que les siennes.
Ensuite, pour la première fois de toute l’histoire, Joseph décida de prendre son destin en main. Sachant que le maître échanson s’apprêtait à regagner son poste, il lui demanda de faire entendre son cas à l’attention de Pharaon :
Une double injustice s’est produite, et Joseph a vu cela comme sa seule chance de retrouver sa liberté. Pourtant, la fin de la paracha lui assène un coup de massue : “Mais le maître échanson ne se souvint plus de Joseph, il l’oublia” (40:23). La déception est immense, accentuée par le double verbe “ne se souvint plus” et “l’oublia”. Nous sentons Joseph attendre des nouvelles jour après jour, et finalement aucune n’arrive. Son dernier - et meilleur - espoir s’est volatilisé. Il ne sera jamais libre. Ou du moins, c’est ce que l’on peut penser.
Pour comprendre l’intensité de la déception, nous devons nous rappeler que c’est seulement depuis l’invention de l’imprimerie et la disponibilité des livres que nous sommes capables de savoir ce qui se passe par le simple fait de tourner une page. Pendant plusieurs siècles, il n’y avait pas de livres imprimés. Les gens connaissaient l’histoire biblique en l’écoutant semaine après semaine. Ceux qui écoutaient pour la première fois le récit devaient attendre une semaine pour découvrir ce qui arriverait à Joseph.
La pause entre les deux péricopes est donc une sorte d’équivalent dans la vie réelle du temps que Joseph a passé en prison : deux ans, comme cette paracha commence par nous dire. C’est à ce moment-là que Pharaon a fait deux rêves que personne ne pouvait interpréter, de telle sorte que le maître échanson se souvienne de l’homme qu’il avait rencontré en prison. Joseph fut amené chez Pharaon, et en quelques heures, il fut transformé de zéro à héros : de prisonnier sans espoir au vice-roi du plus grand empire de l’antiquité.
Pourquoi cette extraordinaire série d’événements ? Elle nous révèle quelque chose d’important, mais quoi ? Sûrement cela : D.ieu répond à nos prières, mais souvent d’une autre façon et à un autre moment que prévu. Joseph cherchait à sortir de prison, et il en est sorti. Mais pas immédiatement, et pas parce que le maître échanson a tenu sa promesse.
L’histoire nous raconte quelque chose de fondamental sur la relation entre nos rêves et nos réalisations. Joseph était le grand rêveur de la Torah, et la plupart de ses rêves se sont réalisés. Mais pas d’une manière que lui ou toute autre personne aurait anticipé. À la fin de la paracha précédente, avec Joseph toujours en prison, il semblait que ces rêves s’étaient terminés par un échec cuisant. Nous devons attendre une semaine, pendant que lui avait attendu pendant deux ans, avant de découvrir qu’il n’en fut pas ainsi.
Il n’y a aucun résultat sans effort. C’est le premier principe. D.ieu a sauvé Noé du déluge, mais Noé a d’abord dû construire l’arche. D.ieu a promis la terre à Abraham, mais il a dû d’abord acheter le tombeau de Makhpela dans lequel enterrer Sarah. D.ieu a promis aux Israélites la terre, mais ils ont d’abord dû mener les combats. Joseph est devenu dirigeant, tel qu’il l’avait rêvé. Mais il a dû d’abord parfaire ses compétences pratiques et administratives, d’abord dans la maison de Potiphar puis en prison. Même lorsque D.ieu garantit que quelque chose arrivera, ce ne sera pas sans effort. Une promesse divine n’est pas un substitut de la responsabilité humaine. Au contraire, il s’agit d’un appel à la responsabilité.
Toutefois, l’effort lui-même n’est pas suffisant. Nous avons besoin de siyata diChemaya, “d’aide du Ciel”. Nous avons besoin de l’humilité d’admettre que nous dépendons de forces qui ne sont pas de notre ressort. Aucun personnage de la Genèse n’a imploré D.ieu autant que Joseph. Tel que Rachi le dit (Genèse 39:3), “le nom de D.ieu était constamment dans sa bouche”. Il a attribué toutes ses réussites à D.ieu. Il a reconnu que sans D.ieu, il n’aurait pas pu faire ce qu’il a fait. De cette humilité, la patience a vu le jour.
Ceux qui ont accompli de grandes choses possèdent souvent cette combinaison inhabituelle de traits de caractère. D’une part, ils travaillent dur. Ils mettent du cœur à l’ouvrage, ils pratiquent et se donnent du mal. D’autre part, ils savent que ce ne sera pas uniquement leur main qui écrit le scénario. Ce ne sont pas nos efforts seuls qui décident du résultat. Nous prions donc, et D.ieu répond à nos prières, mais pas uniquement au moment et de la façon dont nous l’avons anticipé (et bien sûr, parfois la réponse est “non”).
Le Talmud (Niddah 70b) le dit simplement. Il demande : que devrions-nous faire pour devenir riche ? Il répond : travailler dur et se comporter de manière honnête. Pourtant, le Talmud révèle que plusieurs l’ont essayé et ne sont pas devenus riches. La réponse revient : vous devez prier D.ieu pour que la richesse arrive. Dans ce cas-là, demande le Talmud, pourquoi travailler dur ? Car le Talmud répond : l’un sans l’autre est insuffisant. Nous avons besoin des deux : l’effort humain et la faveur divine. D’une certaine manière, nous avons besoin d’être patients et impatients : impatients avec nous-même, mais patient dans l’attente que D.ieu bénisse nos entreprises.
Le délai d’une semaine entre l’échec de Joseph de sortir de prison et son succès final est là pour nous enseigner cet équilibre délicat. Si nous travaillons assez dur, D.ieu nous donne du succès, pas quand nous le voulons, mais plutôt lorsque le moment opportun se présente.
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La rivalité entre frères