● Ce résumé est adapté de l’essai écrit par Rabbi Sacks en 2011, disponibleici.
Il y a un verset dans Ki Tetsé dont les implications sont capitales. On le manquerait aisément, tant il apparaît au milieu d’une série de lois diverses sur l’héritage, les fils rebelles, les violations du mariage et les esclaves en fuite. Sans insistance particulière ni préambule, Moïse énonce un commandement tellement contre-intuitif que nous devons le relire à deux fois pour nous assurer de l’avoir bien saisir:
Tu n’auras pas en horreur l’Égyptien, car tu as été étranger dans son pays.
Deut. 23:8
Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Rappelez-vous de l’histoire des Bné Israël. Les Égyptiens du temps de Moïse avaient réduit les Israélites en esclavage, et « rendu leur vie amère ». Ils avaient organisé un programme de génocide, en jetant « tout enfant mâle [israélite] né, dans le fleuve ». Le périple de quarante ans dans le désert commença par un besoin désespéré de fuir une vie d’oppression et de souffrance aux mains des égyptiens. Mais Moché dit au peuple de ne pas les haïr. Il ne veut pas que le peuple oublie l’époque où ils étaient esclaves, au contraire il insiste que l’on raconte l’histoire chaque année à Pessa’h. Mais se souvenir n’est pas la même chose que haïr.
Le message de Moché est que pour être libre, il faut se défaire de la haine. Si les Bné Israël continuaient à haïr leurs anciens ennemis, ils resteraient enchaînés, non par des chaînes de métal mais par des chaînes de l’esprit. Et comme ils l’ont exprimé sur la rive du Jourdain, s’apprêtant à entrer sur la Terre promise et à établir leur propre société, ils doivent comprendre cela, car on ne peut pas créer une société libre sur la base de la haine.
Moïse dit qu’il faut vivre avec le passé, mais pas dans le passé. Le souvenir de la souffrance ne doit pas nous inciter à persécuter autrui, mais à s’assurer que personne n’endure ce que l’on a enduré.
L’éthique biblique utilise la mémoire comme une force morale. « Souviens-toi » – non pas pour vivre dans le passé, mais pour empêcher la répétition du passé. C’est pour cela que Moché insiste: ne hais pas l’Égyptien.
Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons comprendre un détail autrement inexplicable dans le récit même de l’Exode. D.ieu dit a Moché que lorsque le peuple quitta l’Égypte, il doit demander à ses voisins pour de l’or, de l’argent et des vêtements (Chémot 3:21-22). Pourquoi? Le pillage est condamné par la Torah. Pourquoi avaient-ils reçu ce commandement ici?
La Torah elle-même fournit la réponse dans une loi ultérieure du Deutéronome concernant la libération des esclaves: « Si ton frère hébreu, homme ou femme, se vend à toi et te sert pendant six ans, la septième année tu le laisseras aller libre. Lorsque tu le libéreras, tu ne le renverras pas les mains vides. Tu le pourvoiras libéralement de ton troupeau, de ton aire et de ton pressoir”(Devarim 15:12-15). L’esclavage laisse une cicatrice sur l’âme qui doit être guérie. Sans reconnaissance, l’esclave libéré demeure un prisonnier de la colère. Les cadeaux représentent une “clôture narrative”. Il doit y avoir un acte de générosité de la part du maître pour que l’esclave parte sans ressentiment.
Le même principe s’applique pour l’Égypte. D.ieu voulait que les Bné Israël en sortent non pas dans l’amertume, mais avec dignité, avec une petite forme de justice réparatrice. Oui, les Égyptiens les avaient réduits en esclavage, mais les Israélites ne pouvaient pas emporter leur haine vers l’avenir. Ils devaient se souvenir de la douleur d’avoir été esclaves, mais non de la colère envers leurs maîtres. La haine et la liberté ne peuvent pas coexister. Un peuple libre doit se détacher de la haine, sinon il ne sera jamais véritablement libre. Pour construire une société sans persécution, il faut briser les chaînes du passé et transformer la douleur en détermination pour un avenir meilleur.
La liberté implique l’abandon de la haine, car la haine est la renonciation à la liberté. C’était le message de Moïse à ceux qui s’apprêtaient à entrer dans la Terre promise : une société libre ne peut être construite que par des gens qui acceptent la responsabilité de la liberté, des sujets qui refusent de se voir comme des objets, des hommes qui se définissent par l’amour de D.ieu, non par la haine de l’autre. « N’aie pas en horreur l’Égyptien, car tu as été étranger dans son pays », disait Moïse, ce qui veut dire : Pour être libre, tu dois te libérer de la haine.
Autour de la table de Chabbat
Questions to Ponder
Comment le fait de s’accrocher à la haine maintient-il les gens dans l’esclavage, même après avoir obtenu l’affranchissement physique ?
Les expériences personnelles de douleur ou d’injustice peuvent-elles se transformer en compassion pour les autres ?
En quoi le commandement de se souvenir d’Amalek diffère-t-il du commandement de ne pas haïr les Égyptiens ?
À propos de la Paracha
Écrit par Sara Lamm
Inspiré des enseignements de Rabbi Lord Jonathan Sacks
La paracha en bref
Ki Tetsé contient 74 mitsvot, plus que n’importe quelle autre Paracha. Ces lois concernent la vie familiale, la justice, la guerre et la conduite quotidienne. Elles incluent le traitement des femmes captives, l’héritage du premier-né, le fils rebelle, les pratiques d’inhumation, le fait de rendre des objets perdus et la construction d’une barrière de sécurité autour de son toit. D’autres règles concernent le mariage, le divorce et la ‘halitsa, le paiement rapide des travailleurs, la bienveillance envers les animaux et le prêt sans intérêt. D.ieu fixe également des limites à l’intégration dans la communauté, définit des punitions et exige l’équité dans les affaires. Ki Tetsé se conclut par la mitsva de se souvenir comment Amalek attaqua le peuple après la sortie d’Égypte.
Philosophie de Rabbi Sacks
Approfondissement
La Torah nous rappelle constamment : « Vous étiez esclaves en Égypte. » Mais jamais cela n’est invoqué pour justifier la vengeance. Au contraire, cela devient le fondement de la justice et de la miséricorde : limiter l’esclavage, libérer les esclaves tous les sept ans, donner à chacun le repos du Chabbat, partager ses bénédictions avec les pauvres, laisser de la nourriture dans les champs pour les affamés.
La véritable liberté est impossible si l’on s’accroche à la haine.
Malgré des siècles d’asservissement et de cruauté, l’injonction dans Ki Tetsé de ne pas haïr l’Égyptien nous enseigne que la libération dépasse la simple évasion physique ; elle exige de se libérer du ressentiment et de la colère. La mémoire doit nourrir la miséricorde, pas la vengeance. Les Israélites reçurent le commandement de se souvenir de la douleur de l’esclavage afin de bâtir une société juste, protégeant les vulnérables et traitant autrui avec dignité, sans reproduire l’oppression de l’Égypte. Même l’obligation pour les Égyptiens d’offrir des dons de départ reflétait la nécessité d’une clôture psychologique, afin que les anciens esclaves puissent marcher vers la liberté sans amertume. La haine enchaîne au passé, mais la liberté exige la responsabilité, l’amour de D.ieu et le courage de définir l’avenir sans les chaînes de l’animosité.
Activité sur la paracha
Changer de rôle
Choisissez deux personnes, idéalement un parent et un enfant, ou deux personnes aux rôles opposés dans la famille/groupe. Échangez vos rôles, et jouez « l’autre » dans une courte scène amusante que tout le monde connaît : le trajet vers le travail/l’école, le coucher (« encore une histoire ! »), le moment des devoirs ou le rangement. Faites en sorte que la saynète soit rapide, puis laissez une nouvelle paire essayer. Le succès du jeu provient du fait de renverser les situations du quotidien et de voir ce que cela fait de l’autre côté.
Lorsque vous avez échangé vos rôles, qu’avez-vous remarqué ou ressenti dont vous n’êtes pas habituellement conscient ?
Une histoire pour tous les âges
La porte cogne
Il était une fois un garçon qui grandit dans une pauvreté extrême. Sa seule paire de chaussures s’usa jusqu’à se désagréger complètement. Alors, pieds nus, il parcourait les rues. Dans le désespoir, il frappa à de nombreuses portes pour demander de l’aide. Certains lui offraient un peu de nourriture ou une pièce, mais d’autres le repoussaient, ou ne répondaient même pas. La honte s’accrocha à lui, et il se promit qu’un jour, il serait plus riche que riche, et qu’il ne regarderait jamais en arrière.
Les années passèrent, et par la bénédiction conjuguée à un dur labeur, il devint effectivement riche. Habitué à un style de vie luxueux, sa mémoire s’effaça. Désormais, d’autres frappaient à sa belle porte en chêne, demandant de l’aide. Des gens de toutes sortes : mendiants, voyageurs fatigués, familles dénuées pour le Chabbat. Et cela l’agaçait. Cet homme fortuné avait presque oublié la sensation d’une faim douloureuse et le bruit des portes qui se referment au nez.
« Pourquoi devrais-je partager ce que j’ai gagné ? » demanda-t-il un jour à son rabbin. « J’ai travaillé dur pour obtenir mes richesses. Eux devraient faire de même, au lieu de déranger les gens chez eux. » Il s’attendait à ce que le rabbin acquiesce. Mais les paroles du rabbin le surprirent :
« Mon ami, souviens-toi quand tu avais besoin que les autres ouvrent leurs portes ? Essaie de retrouver ce sentiment, et veille à ne pas devenir insensible envers ceux qui sont dans le besoin. »
Soudain, les souvenirs enfouis revinrent en torrent, et l’homme se mit à pleurer, réalisant qu’il avait manqué de nombreuses occasions précieuses de changer des vies.
Cette nuit-là, il ouvrit grand sa porte, invita ceux qui avaient besoin d’aide, et ceux-ci vinrent avec gratitude. Dès lors, il répondit à chaque fois que l’on toquait à sa porte, écoutant d’abord, donnant ensuite. La vérité qu’il avait comprise, c’est que la richesse n’est pas ce que nous gardons pour nous, mais ce que nous faisons circuler vers les autres.
Pourquoi pensez-vous qu’il est si facile d’oublier notre ancienne vie une fois que notre situation s’améliore ?
À PROPOS DE LA HAFTARA
ÉCRIT PAR RABBI BARRY KLEINBERG
INSPIRÉ DES ENSEIGNEMENTS DE RABBI LORD JONATHAN SACKS
Résumé de la Haftara
La Haftara en bref
Isaiah 54:1-10
Notre Haftara offre un message puissant de renouveau et de miséricorde divine à Sion, dépeinte comme une femme stérile et abandonnée.
D.ieu l’appelle à se réjouir, proclamant qu’elle aura bientôt plus d’enfants que la femme mariée, symbolisant la restauration et la croissance d’Israël après l’exil. Elle est invitée à élargir sa tente, car ses descendants s’étendront largement et hériteront des nations. Jadis humiliée et abandonnée, Sion ne souffrira plus d’opprobre. D.ieu promet de la reprendre avec un amour éternel, comme un mari retrouvant une épouse délaissée. Bien qu’elle ait été brièvement abandonnée dans la colère, l’amour inébranlable de D.ieu et son alliance de paix ne seront jamais retirés. Le passage compare la fidélité de D.ieu aux jours de Noa’h, assurant que, tout comme les eaux ne submergeront plus jamais la terre, ainsi la miséricorde de D.ieu perdurera. C’est une déclaration d’engagement divin indestructible et de miséricorde envers un Israël restauré.
Points de réflexion
Quel est le lien entre la femme stérile et le peuple juif en exil ?
Pourquoi D.ieu promet-il une nombreuse descendance comme promesse d’espérance pour l’avenir ?
Connexions du Tanakh
Liens entre la paracha et la Haftara
Une connexion fascinante entre la Paracha et la Haftara a été établie par des érudits. La Paracha Ki Tetsé détaille de nombreuses lois concernant les femmes. Les scénarios incluent le cas où un homme a deux épouses et aime l’une plus que l’autre (Devarim 21:15), les accusations portées contre une jeune mariée (Devarim 22:13-21), et le lévirat (Devarim 25:5-10).
Dans la Haftara, le prophète Isaïe utilise la métaphore du mariage pour décrire la relation sacrée et d’amour entre D.ieu et les Bné Israël. Une Jérusalem vide est comparée à une femme délaissée. Cependant, lorsque les exilés reviendront, elle sera comme une épouse retrouvant son mari et ses enfants, oubliant le passé douloureux dans l’amour et la joie des retrouvailles (Isaïe 54:1 et 54:4).
De même, le parallèle entre la relation d’un mari et d’une femme et celle du peuple juif avec D.ieu apparaît dans la Haftara (Isaïe 54:5) : « Car ton Créateur est ton époux. » Le même verbe est utilisé dans la Paracha (Devarim 24:1) qui dit : « Lorsqu’un homme prend une femme, et devient son mari... »
Le Rav Sacks a développé cette métaphore en écrivant que « le mariage n’est pas simplement le fait de vivre ensemble, un partenariat temporaire pour des fins mutuellement bénéfiques. Que le Ciel nous préserve si nous ne voyons que cela en lui. C’est le point où le “je” du soi rencontre le “tu” de l’autre, nous transformant en quelque chose de plus grand, plus vaste, plus généreux et plus tendre que nous ne pourrions jamais l’être seuls. Dans le mariage à son apogée, vous voyez l’humanité à son apogée, et dans un foyer aimant, vous pouvez presque toucher la Présence divine. »
Dans certaines de nos prières, nous relions notre relation avec D.ieu à la métaphore d’un parent avec ses enfants (« Avinou » – notre Père). Comment ces deux métaphores décrivent-elles des facettes différentes de notre relation avec D.ieu ?
Contexte pour les Prophètes
Rav Sacks sur l’amour
En réfléchissant aux mitsvot de cette Paracha, Rav Sacks a approfondi le danger potentiel du favoritisme, lorsque quelqu’un aime une personne plus qu’une autre, par exemple en montrant une affection plus grande pour un enfant que pour un autre. Il a écrit : « L’amour est la plus élevée des émotions. Nous avons reçu le commandement d’aimer D.ieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force. Mais c’est aussi, dans le contexte familial, une source de danger. L’amour a ruiné la vie de Jacob à maintes reprises : dans sa relation avec Ésaü (Isaac aimait Ésaü, Rebecca aimait Jacob), dans la relation entre Léa et Rachel, et dans la relation entre Joseph et ses frères. L’amour apporte de la joie. Il apporte aussi des larmes. Il rapproche certains, mais rend d’autres distants, rejetés.
C’est pourquoi, dit la Torah, lorsque l’amour risque d’être la cause de conflits, il doit céder la place à la justice. L’amour est partial, la justice est impartiale. L’amour vise quelqu’un en particulier ; la justice s’applique à tous. L’amour procure une satisfaction personnelle ; la justice assure l’ordre social. »
Citation de la semaine
« Le judaïsme a eu raison de placer l’amour au cœur de la vie religieuse – amour de D.ieu, du prochain et de l’étranger – mais en reconnaissant qu’en l’absence de justice, l’amour ne nous sauvera pas. Il pourrait même nous détruire. »
» L’amour peut-il tout vaincre?, Ki Tetsé Les Voix de l’alliance, Idées transformatrices sur le judaïsme (Judaism’s Life-Changing Ideas)
Réflexions supplémentaires
Si vous étiez chef d’une équipe ou dirigeant d’une entreprise, comment vous assureriez-vous de ne pas montrer de préférence pour une personne plutôt que pour une autre ?
Written as an accompaniment to Rabbi Sacks’ weekly Covenant & Conversation essay, the
Family Edition
is aimed at connecting teenagers with his ideas and thoughts on the parsha.
Se défaire de la haine
Édition Familiale
Ki Tetsé
Inspiré par les enseignements et les idées de Rabbi Sacks
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Essai Principal
Ki Tetsé
Se défaire de la haine
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Résumé du Covenant & Conversation
● Ce résumé est adapté de l’essai écrit par Rabbi Sacks en 2011, disponible ici.
Il y a un verset dans Ki Tetsé dont les implications sont capitales. On le manquerait aisément, tant il apparaît au milieu d’une série de lois diverses sur l’héritage, les fils rebelles, les violations du mariage et les esclaves en fuite. Sans insistance particulière ni préambule, Moïse énonce un commandement tellement contre-intuitif que nous devons le relire à deux fois pour nous assurer de l’avoir bien saisir:
Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Rappelez-vous de l’histoire des Bné Israël. Les Égyptiens du temps de Moïse avaient réduit les Israélites en esclavage, et « rendu leur vie amère ». Ils avaient organisé un programme de génocide, en jetant « tout enfant mâle [israélite] né, dans le fleuve ». Le périple de quarante ans dans le désert commença par un besoin désespéré de fuir une vie d’oppression et de souffrance aux mains des égyptiens. Mais Moché dit au peuple de ne pas les haïr. Il ne veut pas que le peuple oublie l’époque où ils étaient esclaves, au contraire il insiste que l’on raconte l’histoire chaque année à Pessa’h. Mais se souvenir n’est pas la même chose que haïr.
Le message de Moché est que pour être libre, il faut se défaire de la haine. Si les Bné Israël continuaient à haïr leurs anciens ennemis, ils resteraient enchaînés, non par des chaînes de métal mais par des chaînes de l’esprit. Et comme ils l’ont exprimé sur la rive du Jourdain, s’apprêtant à entrer sur la Terre promise et à établir leur propre société, ils doivent comprendre cela, car on ne peut pas créer une société libre sur la base de la haine.
Moïse dit qu’il faut vivre avec le passé, mais pas dans le passé. Le souvenir de la souffrance ne doit pas nous inciter à persécuter autrui, mais à s’assurer que personne n’endure ce que l’on a enduré.
L’éthique biblique utilise la mémoire comme une force morale. « Souviens-toi » – non pas pour vivre dans le passé, mais pour empêcher la répétition du passé. C’est pour cela que Moché insiste: ne hais pas l’Égyptien.
Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons comprendre un détail autrement inexplicable dans le récit même de l’Exode. D.ieu dit a Moché que lorsque le peuple quitta l’Égypte, il doit demander à ses voisins pour de l’or, de l’argent et des vêtements (Chémot 3:21-22). Pourquoi? Le pillage est condamné par la Torah. Pourquoi avaient-ils reçu ce commandement ici?
La Torah elle-même fournit la réponse dans une loi ultérieure du Deutéronome concernant la libération des esclaves: « Si ton frère hébreu, homme ou femme, se vend à toi et te sert pendant six ans, la septième année tu le laisseras aller libre. Lorsque tu le libéreras, tu ne le renverras pas les mains vides. Tu le pourvoiras libéralement de ton troupeau, de ton aire et de ton pressoir”(Devarim 15:12-15). L’esclavage laisse une cicatrice sur l’âme qui doit être guérie. Sans reconnaissance, l’esclave libéré demeure un prisonnier de la colère. Les cadeaux représentent une “clôture narrative”. Il doit y avoir un acte de générosité de la part du maître pour que l’esclave parte sans ressentiment.
Le même principe s’applique pour l’Égypte. D.ieu voulait que les Bné Israël en sortent non pas dans l’amertume, mais avec dignité, avec une petite forme de justice réparatrice. Oui, les Égyptiens les avaient réduits en esclavage, mais les Israélites ne pouvaient pas emporter leur haine vers l’avenir. Ils devaient se souvenir de la douleur d’avoir été esclaves, mais non de la colère envers leurs maîtres. La haine et la liberté ne peuvent pas coexister. Un peuple libre doit se détacher de la haine, sinon il ne sera jamais véritablement libre. Pour construire une société sans persécution, il faut briser les chaînes du passé et transformer la douleur en détermination pour un avenir meilleur.
La liberté implique l’abandon de la haine, car la haine est la renonciation à la liberté. C’était le message de Moïse à ceux qui s’apprêtaient à entrer dans la Terre promise : une société libre ne peut être construite que par des gens qui acceptent la responsabilité de la liberté, des sujets qui refusent de se voir comme des objets, des hommes qui se définissent par l’amour de D.ieu, non par la haine de l’autre. « N’aie pas en horreur l’Égyptien, car tu as été étranger dans son pays », disait Moïse, ce qui veut dire : Pour être libre, tu dois te libérer de la haine.
Autour de la table de Chabbat
Questions to Ponder
À propos de la Paracha
Écrit par Sara Lamm
Inspiré des enseignements de Rabbi Lord Jonathan Sacks
La paracha en bref
Ki Tetsé contient 74 mitsvot, plus que n’importe quelle autre Paracha. Ces lois concernent la vie familiale, la justice, la guerre et la conduite quotidienne. Elles incluent le traitement des femmes captives, l’héritage du premier-né, le fils rebelle, les pratiques d’inhumation, le fait de rendre des objets perdus et la construction d’une barrière de sécurité autour de son toit. D’autres règles concernent le mariage, le divorce et la ‘halitsa, le paiement rapide des travailleurs, la bienveillance envers les animaux et le prêt sans intérêt. D.ieu fixe également des limites à l’intégration dans la communauté, définit des punitions et exige l’équité dans les affaires. Ki Tetsé se conclut par la mitsva de se souvenir comment Amalek attaqua le peuple après la sortie d’Égypte.
Philosophie de Rabbi Sacks
Approfondissement
La Torah nous rappelle constamment : « Vous étiez esclaves en Égypte. » Mais jamais cela n’est invoqué pour justifier la vengeance. Au contraire, cela devient le fondement de la justice et de la miséricorde : limiter l’esclavage, libérer les esclaves tous les sept ans, donner à chacun le repos du Chabbat, partager ses bénédictions avec les pauvres, laisser de la nourriture dans les champs pour les affamés.
La véritable liberté est impossible si l’on s’accroche à la haine.
Malgré des siècles d’asservissement et de cruauté, l’injonction dans Ki Tetsé de ne pas haïr l’Égyptien nous enseigne que la libération dépasse la simple évasion physique ; elle exige de se libérer du ressentiment et de la colère. La mémoire doit nourrir la miséricorde, pas la vengeance. Les Israélites reçurent le commandement de se souvenir de la douleur de l’esclavage afin de bâtir une société juste, protégeant les vulnérables et traitant autrui avec dignité, sans reproduire l’oppression de l’Égypte. Même l’obligation pour les Égyptiens d’offrir des dons de départ reflétait la nécessité d’une clôture psychologique, afin que les anciens esclaves puissent marcher vers la liberté sans amertume. La haine enchaîne au passé, mais la liberté exige la responsabilité, l’amour de D.ieu et le courage de définir l’avenir sans les chaînes de l’animosité.
Activité sur la paracha
Changer de rôle
Choisissez deux personnes, idéalement un parent et un enfant, ou deux personnes aux rôles opposés dans la famille/groupe. Échangez vos rôles, et jouez « l’autre » dans une courte scène amusante que tout le monde connaît : le trajet vers le travail/l’école, le coucher (« encore une histoire ! »), le moment des devoirs ou le rangement. Faites en sorte que la saynète soit rapide, puis laissez une nouvelle paire essayer. Le succès du jeu provient du fait de renverser les situations du quotidien et de voir ce que cela fait de l’autre côté.
Lorsque vous avez échangé vos rôles, qu’avez-vous remarqué ou ressenti dont vous n’êtes pas habituellement conscient ?
Une histoire pour tous les âges
La porte cogne
Il était une fois un garçon qui grandit dans une pauvreté extrême. Sa seule paire de chaussures s’usa jusqu’à se désagréger complètement. Alors, pieds nus, il parcourait les rues. Dans le désespoir, il frappa à de nombreuses portes pour demander de l’aide. Certains lui offraient un peu de nourriture ou une pièce, mais d’autres le repoussaient, ou ne répondaient même pas. La honte s’accrocha à lui, et il se promit qu’un jour, il serait plus riche que riche, et qu’il ne regarderait jamais en arrière.
Les années passèrent, et par la bénédiction conjuguée à un dur labeur, il devint effectivement riche. Habitué à un style de vie luxueux, sa mémoire s’effaça. Désormais, d’autres frappaient à sa belle porte en chêne, demandant de l’aide. Des gens de toutes sortes : mendiants, voyageurs fatigués, familles dénuées pour le Chabbat. Et cela l’agaçait. Cet homme fortuné avait presque oublié la sensation d’une faim douloureuse et le bruit des portes qui se referment au nez.
« Pourquoi devrais-je partager ce que j’ai gagné ? » demanda-t-il un jour à son rabbin. « J’ai travaillé dur pour obtenir mes richesses. Eux devraient faire de même, au lieu de déranger les gens chez eux. » Il s’attendait à ce que le rabbin acquiesce. Mais les paroles du rabbin le surprirent :
« Mon ami, souviens-toi quand tu avais besoin que les autres ouvrent leurs portes ? Essaie de retrouver ce sentiment, et veille à ne pas devenir insensible envers ceux qui sont dans le besoin. »
Soudain, les souvenirs enfouis revinrent en torrent, et l’homme se mit à pleurer, réalisant qu’il avait manqué de nombreuses occasions précieuses de changer des vies.
Cette nuit-là, il ouvrit grand sa porte, invita ceux qui avaient besoin d’aide, et ceux-ci vinrent avec gratitude. Dès lors, il répondit à chaque fois que l’on toquait à sa porte, écoutant d’abord, donnant ensuite. La vérité qu’il avait comprise, c’est que la richesse n’est pas ce que nous gardons pour nous, mais ce que nous faisons circuler vers les autres.
À PROPOS DE LA HAFTARA
ÉCRIT PAR RABBI BARRY KLEINBERG
INSPIRÉ DES ENSEIGNEMENTS DE RABBI LORD JONATHAN SACKS
Résumé de la Haftara
La Haftara en bref
Isaiah 54:1-10
Notre Haftara offre un message puissant de renouveau et de miséricorde divine à Sion, dépeinte comme une femme stérile et abandonnée.
D.ieu l’appelle à se réjouir, proclamant qu’elle aura bientôt plus d’enfants que la femme mariée, symbolisant la restauration et la croissance d’Israël après l’exil. Elle est invitée à élargir sa tente, car ses descendants s’étendront largement et hériteront des nations. Jadis humiliée et abandonnée, Sion ne souffrira plus d’opprobre. D.ieu promet de la reprendre avec un amour éternel, comme un mari retrouvant une épouse délaissée. Bien qu’elle ait été brièvement abandonnée dans la colère, l’amour inébranlable de D.ieu et son alliance de paix ne seront jamais retirés. Le passage compare la fidélité de D.ieu aux jours de Noa’h, assurant que, tout comme les eaux ne submergeront plus jamais la terre, ainsi la miséricorde de D.ieu perdurera. C’est une déclaration d’engagement divin indestructible et de miséricorde envers un Israël restauré.
Points de réflexion
Connexions du Tanakh
Liens entre la paracha et la Haftara
Une connexion fascinante entre la Paracha et la Haftara a été établie par des érudits. La Paracha Ki Tetsé détaille de nombreuses lois concernant les femmes. Les scénarios incluent le cas où un homme a deux épouses et aime l’une plus que l’autre (Devarim 21:15), les accusations portées contre une jeune mariée (Devarim 22:13-21), et le lévirat (Devarim 25:5-10).
Dans la Haftara, le prophète Isaïe utilise la métaphore du mariage pour décrire la relation sacrée et d’amour entre D.ieu et les Bné Israël. Une Jérusalem vide est comparée à une femme délaissée. Cependant, lorsque les exilés reviendront, elle sera comme une épouse retrouvant son mari et ses enfants, oubliant le passé douloureux dans l’amour et la joie des retrouvailles (Isaïe 54:1 et 54:4).
De même, le parallèle entre la relation d’un mari et d’une femme et celle du peuple juif avec D.ieu apparaît dans la Haftara (Isaïe 54:5) : « Car ton Créateur est ton époux. » Le même verbe est utilisé dans la Paracha (Devarim 24:1) qui dit : « Lorsqu’un homme prend une femme, et devient son mari... »
Le Rav Sacks a développé cette métaphore en écrivant que « le mariage n’est pas simplement le fait de vivre ensemble, un partenariat temporaire pour des fins mutuellement bénéfiques. Que le Ciel nous préserve si nous ne voyons que cela en lui. C’est le point où le “je” du soi rencontre le “tu” de l’autre, nous transformant en quelque chose de plus grand, plus vaste, plus généreux et plus tendre que nous ne pourrions jamais l’être seuls. Dans le mariage à son apogée, vous voyez l’humanité à son apogée, et dans un foyer aimant, vous pouvez presque toucher la Présence divine. »
Contexte pour les Prophètes
Rav Sacks sur l’amour
En réfléchissant aux mitsvot de cette Paracha, Rav Sacks a approfondi le danger potentiel du favoritisme, lorsque quelqu’un aime une personne plus qu’une autre, par exemple en montrant une affection plus grande pour un enfant que pour un autre. Il a écrit : « L’amour est la plus élevée des émotions. Nous avons reçu le commandement d’aimer D.ieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force. Mais c’est aussi, dans le contexte familial, une source de danger. L’amour a ruiné la vie de Jacob à maintes reprises : dans sa relation avec Ésaü (Isaac aimait Ésaü, Rebecca aimait Jacob), dans la relation entre Léa et Rachel, et dans la relation entre Joseph et ses frères. L’amour apporte de la joie. Il apporte aussi des larmes. Il rapproche certains, mais rend d’autres distants, rejetés.
C’est pourquoi, dit la Torah, lorsque l’amour risque d’être la cause de conflits, il doit céder la place à la justice. L’amour est partial, la justice est impartiale. L’amour vise quelqu’un en particulier ; la justice s’applique à tous. L’amour procure une satisfaction personnelle ; la justice assure l’ordre social. »
Citation de la semaine
« Le judaïsme a eu raison de placer l’amour au cœur de la vie religieuse – amour de D.ieu, du prochain et de l’étranger – mais en reconnaissant qu’en l’absence de justice, l’amour ne nous sauvera pas. Il pourrait même nous détruire. »
» L’amour peut-il tout vaincre?, Ki Tetsé Les Voix de l’alliance, Idées transformatrices sur le judaïsme (Judaism’s Life-Changing Ideas)
Réflexions supplémentaires
Si vous étiez chef d’une équipe ou dirigeant d’une entreprise, comment vous assureriez-vous de ne pas montrer de préférence pour une personne plutôt que pour une autre ?
Written as an accompaniment to Rabbi Sacks’ weekly Covenant & Conversation essay, the Family Edition is aimed at connecting teenagers with his ideas and thoughts on the parsha.
La grandeur, c’est l’humilité
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