Un rassemblement de plusieurs religions

17 septembre 2010
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Le 17 septembre 2010, le pape Benoît XVI s’est joint aux dirigeants d’autres religions dans le Waldegrave Drawing Room à l’université St Mary à Twickenham, où Rabbi Sacks s’est adressé au public au nom des communautés religieuses d’Angleterre.


Votre Sainteté, nous vous accueillons, dirigeant d’une grande religion, à ce rassemblement de plusieurs religions, dans un pays où des guerres furent autrefois menées au nom de la religion, et où nous partageons désormais une amitié qui s’étend au-delà de la religion. Il s’agit d’un changement qui vaut la peine d’être célébré. Et nous reconnaissons le rôle immense que le Vatican a joué et continue de jouer pour que cela se réalise. Ce fut la Nostra Aetate il y a quarante-cinq ans qui conduisit la plus grande transformation des relations interreligieuses de l’histoire contemporaine. Nous considérons votre visite d’aujourd’hui comme un nouveau chapitre dans cette histoire, et un chapitre vital. La sécularisation de l’Europe qui a commencé au dix-septième siècle ne s’est pas produite parce que les gens ont perdu foi en D.ieu. Newton et Descartes, les porte-flambeaux des Lumières, croyaient en D.ieu. Ce qui a mené à la sécularisation est le fait que les gens ont perdu foi en la capacité des gens religieux à vivre en paix ensemble. Et nous ne devons plus jamais emprunter ce chemin.

Nous nous rappelons des paroles éloquentes de John Henry Cardinal Newman : “Nous devrions toujours nous comporter envers notre ennemi comme s’il sera un jour notre ami”, ainsi que les paroles de votre Sainteté dans le Caritas in veritate, selon lesquelles le développement des peuples dépend du fait que l’humanité constitue une seule famille qui travaille ensemble en une harmonie véritable, et non pas simplement comme un groupe de sujets qui ne font que vivre côte à côte. Nous célébrons à la fois nos similarités et nos différences, car si nous n’avions rien en commun, nous ne pourrions communiquer. Et si nous avions tout en commun, nous n’aurions rien à dire.

Votre Sainteté, vous avez parlé de l’Église catholique comme d’ “une minorité créative”. Peut-être devrions-nous tous aspirer à cela : être des minorités créatives qui s’inspirent les unes les autres en mettant nos atouts au profit du bien commun. La Grande-Bretagne a été tant enrichie par ses minorités, par chaque groupe représenté ici aujourd’hui ainsi que par les harmonies complexes de nos différentes voix.

L’un de nos points communs est que nous croyons avec certitude que la religion a un rôle majeur à jouer dans le renforcement de la société civile. Face à une communauté foncièrement individualiste, nous offrons une communauté. Allant à l’encontre de la société de consommation, nous parlons de choses qui ont de la valeur mais qui n’ont pas de prix. Contre le cynisme, nous osons admirer et respecter. Face aux familles morcelées, nous croyons en des relations consacrées. Nous croyons que le mariage est un engagement, que la parenté est une responsabilité, et à la poésie de la vie de tous les jours quand elle s’inscrit dans les maisons et les écoles avec sainteté et grâce.

Dans nos communautés, les gens ont une valeur non pas parce qu’ils achètent ou selon leur vote, mais par ce qu’ils sont. Sur chacun d’eux se trouve un fragment de la présence divine. Nous tenons la vie comme étant sacrée. Chacun de nous est élevé par le fait de savoir que nous faisons partie de quelque chose de plus grand que nous tous, qui nous a créés par le pardon et par l’amour, et qui nous demande de créer dans le pardon et l’amour. Chacun d’entre nous est, à sa manière, un défenseur des valeurs menacées d’extinction à notre époque, où la capacité d’attention est si limitée, hyperactive, saturée d’informations et privée de sagesse. Et si nos religions sont très différentes, nous nous reconnaissons comme étant porteurs de la foi elle-même, cette habitude du cœur qui nous permet de distinguer la musique sous le bruit, qui sait que D.ieu est le point de rencontre de l’âme avec l'âme, et est grandie par la présence de l’autre.

Votre Sainteté, vous nous avez honoré par votre présence, et nous vous honorons. Puissiez-vous continuer à diriger avec sagesse et esprit de générosité, et que tous nos efforts combinés soient une bénédiction pour l’humanité et pour D.ieu.