Les Cultures de Honte et Culpabilité

Cette idée de Thought for the Day (Pensée du Jour) a été diffusée sur l’émission Radio 4 de la BBC intitulée Today.

Hier, le Conseil médical général et le conseil des infirmières et des sages-femmes ont émis des directives stipulant que les médecins et les infirmières doivent être honnêtes avec les patients et s’excusent lorsque des erreurs sont commises. C’est la première fois que de telles directives ont été données.

Ce qui est extraordinaire, c’est que de telles directives doivent être données. Les médecins et les infirmières sont parmi les personnes les plus attentionnées, dévouées et altruistes qui soient. Et oui, nous sommes devenus une société litigieuse, mais en sommes-nous arrivés au point où on doit rappeler même aux meilleurs d’être honnêtes, et de s’excuser lorsqu’un impair est commis ? 

Quelque chose de très important mais invisible s’est produit en Occident lors du dernier demi-siècle, et pour le comprendre, nous devons nous concentrer sur une anthropologue de renommée : Ruth Benedict. Ce fut elle qui enseigna la différence entre des cultures de honte comme la Grèce antique, et des cultures de culpabilité comme le judaïsme et le christianisme.

Elles enseignent toutes deux aux gens comment se comporter, mais elles perçoivent la faute différemment. Dans les cultures de honte, ce qui importe, c’est ce que les autres pensent de vous : l’embarras, le déshonneur, perdre la face. Alors que dans les cultures de culpabilité, c’est ce que votre voix de conscience intérieure vous chuchote. Dans les cultures de culpabilité, nous sommes engagés dans des conversations intérieures avec les meilleurs anges de notre nature.

La plus grande différence est que dans les cultures de honte, si nous sommes pris en train de mal faire, il y a une tâche sur notre personnalité que seul le temps peut effacer. Mais les cultures de culpabilité tracent une distinction claire entre l’acteur et la faute, le pécheur et le péché. C’est pour cela que les cultures de la culpabilité se focalisent sur l’expiation, le repentir, l’excuse et le pardon. L’action était mauvaise, mais il n’y a aucune tâche indélébile sur notre personnalité.

Dans les cultures de honte, si vous fautez, la première règle est de ne pas se faire attraper. Si c’est le cas, alors montez un scénario. Admettez votre faute seulement si toutes les autres alternatives ont échoué, car vous serez déshonoré pendant très longtemps.

La honte a sa place dans tout système moral. Mais lorsqu’elle domine sur tout le reste, lorsque tout ce que nous avons est un procès public, plus les gens seront réticents à être honnêtes, et plus nous serons suspicieux de la vie publique, pas seulement de la médecine mais également de la politique, des médias, des institutions financières, des entreprises et, soyons honnêtes, des institutions religieuses également. 

Nous devons faire en sorte qu’il soit plus aisé pour les gens d’être honnêtes et de s’excuser, ce qui implique que nous devons également apprendre à pardonner.