L’échec
“Dis-moi”, demanda le jeune homme au gourou, “quel est le meilleur chemin vers la réussite ?” Le gourou se contenta de répondre en désignant du doigt un sentier attenant. Le jeune homme suivit les instructions du sage et courut d’enthousiasme dans la direction indiquée. Quelques minutes plus tard, un “splash” se fit entendre.
Le jeune homme revint, trempé et couvert de boue. Convaincu d’avoir mal compris le conseil du gourou, il lui posa la même question : “Quel est le chemin vers la réussite ?” Le gourou lui indiqua le même chemin. Encore une fois, l’homme emprunta le chemin, et un grand “splash” se fit de nouveau entendre.
Cette fois-ci, il alla voir le gourou, enragé. “Tu m’as indiqué deux fois le même chemin à suivre, et je suis tombé dans un trou rempli de boue. Cette fois-ci, plus de gestes. Parle. Enseigne-moi le chemin du succès”.
Le gourou regarda le jeune homme et s’exclama : “Le succès est par là”. Il ajouta : “Un peu après le “splash”.
C’est ce que Jerry Porras, Stewart Emery et Mark Thompson écrivent dans leur livre fascinant, Success Built to Last, et ils ont tout à fait raison. Le succès ne se définit pas par une vie dénuée d’échecs. Au contraire, presque tous les grands personnages dans n’importe quel domaine, que ce soit les arts, les sciences, les affaires et certainement la vie religieuse, ont eu plus d’un échec. Ce qui les distingue, c’est leur volonté de prendre des risques, d’expérimenter, et ensuite, leur capacité d’apprendre de l’échec plutôt que de se laisser abattre.
Lors de mes propres errements, je pense à George Bernard Shaw, qui a écrit cinq romans, et chacun d’eux fut refusé par toutes les maisons d’édition. Ou Van Gogh qui, de son vivant, n’a vendu que 1700 peintures, bien que son frère Théo était un marchand d’art. Ou David Hume, qui a dit sur son oeuvre A Treatise of Human Nature, l’un des inoubliables classiques de la philosophie, qu’il était “le mort-né de la presse”, et ainsi de suite…
L’une de mes histoires favorites concerne Thomas Watson, le président historique d’IBM lors des premières années de l’informatique. L’un des employés d’IBM avait pris une mauvaise décision qui avait coûté plus de 12 millions de dollars à la compagnie. Il fut convoqué par la suite à un rendez-vous avec le patron. “Vous avez raison de me renvoyer, Mr. Watson. J’ai fait une erreur, et elle était très grave. ‘Vous renvoyer ?’, répondit Watson, alors que nous venons de dépenser 12 millions de dollars à vous former !”
C’est l’une des plus grandes leçons de l’esprit. Lisez la Bible et vous découvrirez que Moïse, Elie, Jérémie, Jonas et Job ont tous eu un moment dans leur vie où ils souhaitaient mourir. Ils avaient le sentiment d’avoir échoué. Cependant, leurs vies demeurent pour nous des sources d’inspiration, des siècles plus tard. Ils faisaient partie des grands dirigeants de notre époque.
L’échec est l’expérience d’apprentissage ultime et les meilleurs, les héros authentiques, sont les plus prédisposés à échouer. Chaque fois qu’un jeune rabbin vient me voir pour me demander conseil après avoir fait une erreur, je lui parle de photographes professionnels. Ils prennent des douzaines de photos dans l’espoir que l’une d’entre elles sera convenable. Un ratio de un sur douze n’a en apparence rien de très bon. Mais c’est précisément cette volonté de supporter l’échec pour atteindre un idéal qui est la signature du vrai professionnel.
En passant, ce n’est pas une mauvaise définition de la foi. L’une des vérités les plus puissantes du judaïsme et du christianisme est que D.ieu pardonne nos échecs tant que nous les percevons comme des échecs.
Il ne s’attend pas à ce que nous soyons parfaits. Tel que l'Ecclésiaste l’affirme: “II n'est pas d'homme juste sur terre qui fasse le bien sans jamais faillir.” (Ecclésiaste 7:20)
D.ieu nous relève quand nous tombons, nous donne de l’espoir lorsque nous désespérons, et croit en nous plus que nous ne croyons en nous-mêmes. En réalité, les grands dirigeants religieux ne croyaient pas en eux-mêmes : “Je suis pas un homme qui s’exprime aisément”, dit Moïse lorsqu’on lui demanda de diriger les israélites. “Je ne peux pas parler, je ne suis qu’un enfant”, dit Jérémie lorsqu’on lui demanda de prêcher la parole divine.
“Le mérite appartient à celui qui fait tous les efforts possibles avec courage, car il n’y a pas d’effort sans erreur ou défaut”, dit Théodore Roosevelt. Même si quelqu’un échoue, “il échoue en osant, et sa place ne sera jamais avec ces âmes froides et timides qui ne connaissent ni victoire ni défaite”.
Bien plus que la force de gagner, nous avons besoin du courage d’essayer, d’être prêt à échouer, de volonté d’apprendre et de foi à persister.